La fête du cinéma français a enfin eu lieu. Présenté par le maître de cérémonie Jérôme Commandeur, les festivités entre les célébrités et les spectateurs se sont déroulées avec des hauts et des bas. Entre le triomphe des uns et les déceptions des autres, retour sur une soirée mouvementée qui a célébré pour une fois un certain éclectisme dans le cinéma français.
21h00. La cérémonie annuelle commence enfin après tant de malaise devant " Le Grand Journal ". Le show de Commandeur démarre avec lourdeur et insistance, en renforçant ce cliché que la cérémonie des Césars est une grande secte du cinéma français, rappelant par ailleurs à quel point Guillaume Gallienne et Claude Lelouch peuvent être facilement insupportables. S'en suit alors un numéro de danse un poil gênant en hommage à Georges Michael mais notons tout de même deux choses : Premièrement, impossible de nier la volonté (franchement réussie vers la fin) de Commandeur à vouloir dépoussiérer une cérémonie longuement juger comme ennuyeuse. Ensuite, qu'on se le dise tous, Jimmy Kimmel ferait ça aux Oscars demain soir, on crierait tous au génie sur les réseaux sociaux.
Après un monologue d'introduction, place aux récompenses.
De la joie, beaucoup de joie, dès le début de la cérémonie avec le premier prix de la cérémonie remise à Oulaya Amamra, sublime Dounia dans le percutant " Divines" . Premier sacre, suivi de deux autres pour le long-métrage d' Houda Benyamina avec le César du Meilleur Premier Film et celui de la Meilleure Actrice dans un second rôle pour Déborah Lukumuena. Trois prix remis avec beaucoup d'émotions et de folies.
L'émotion et la folie juvénile étaient d'ailleurs les mots d'ordre de la soirée puisque impossible de passer à côté des deux autres triomphes de la soirée : Ceux destinés à Céline Sciamma et Xavier Dolan, véritables stars d'une nouvelle jeunesse du cinéma francophone. Un cinéma plus libre, plus iconoclaste, plus vibrant avec des films forts. Les succès de " Ma Vie De Courgette " (Meilleur long-métrage d'animation et Meilleur adaptation) et " Juste la fin du monde " (Meilleur acteur pour Gaspard Ulliel, meilleur montage et meilleur réalisateur) prouvent que le cinéma français a encore de beaux jours pour proposer un cinéma jeune traitant de sujets pourtant difficiles avec tant de brio.
Quelques prix et verres plus tard, la cérémonie se passe sans accroc et sans réel malaise, Commandeur arrivant même à nous provoquer un fou rire avec sa parodie de biopic sur le chanteur Carlos. Rossy De Palma chante, Pierre Richard apparaît par surprise, Georges Clooney et Jean Dujardin parlent de Donald Trump et l'apogée émotive de la cérémonie apparaît à point nommé lorsqu'un immense hommage est remis au mythe Belmondo, acclamé par toute la profession du cinéma. Pour citer l'excellent " John Wick 2" , on a ici récompensé " l'homme, le mythe, la légende " Belmondo.
Une cérémonie traversant quelques brefs instants de déception, avec la facilité démagogique de récompenser l'absence de subtilité de François Ruffin (Meilleur documentaire pour Merci Patron) et de Ken Loach (Meilleur film étranger pour Moi, Daniel Blake) quand la force de l'image à explorer les errements du monde passe malheureusement sous silence, comme en témoigne l'oubli terrible de Fuoccomare : Par-delà Lampedusa de Giafranco Rosi dans les documentaires ainsi que les sublimes Manchester by the sea et Toni Erdmann dans les films étrangers. De même que récompenser James Thierré pour son rôle dans " Chocolat " relève de l'incompréhension la plus totale face à Vincent Lacoste, Vincent Cassel et Laurent Lafitte.
Pour conclure, la soirée se termine avec la consécration de l'un des meilleurs films de l'année dernière : Le troublant, le polémique, le mystérieux, le seul et l'unique, Elle de Paul Verhoeven. César du Meilleur Film et César de la meilleure actrice pour la reine Isabelle Huppert, voir le travail de Paul Verhoeven reconsidéré après tant d'années de haine et de mépris à son cinéma fait chaud au coeur du cinéma.
Evitant les mêmes erreurs que les précédentes années, où l'on ne récompensait uniquement les films sous un ordre symbolique (à juste titre, tout de même), cette cérémonie des César réussit à calmer les détracteurs en prouvant qu'en France, on a un cinéma dynamique, inclassable et se renouvelant sans cesse.
Victor Van De Kadsye.