Qui a vu « Boyhood » va trouver des similitudes avec ce film. Le thème tout d’abord : comment se construit un être humain et quels sont les grands événements de sa vie qui font l’adulte qu’il est devenu. Mais aussi le choix artistique pour faire cheminer le spectateur avec l’enfant puis l’ado puis l’adulte : ellipses nombreuses, une temporalité s’étalant sur des années,… Après « Boyhood » était plus ambitieux en conservant les mêmes comédiens avec ses 12 vertigineuses années de tournage ; « Moonlight » en se concentrant sur trois grandes périodes structurantes de Little/Chiron/Black avec de plus grandes fractures temporelles et des comédiens différents offre une ambition cinématographique peut être plus grande. Pas un blanc à l’écran car tourné entièrement au sein de la communauté noire de Floride, Barry Jenkins parvient malgré tout à ne pas en faire un film identitaire ; son propos reste universel. Chiron est prisonnier de son destin, il doit s’endurcir pour survivre ; mais adulte, l’homme sensible et doux reflet de son enfance n’est pas enfoui si loin. Donc il pourrait tout aussi bien être blanc ou arabe. Eh oui en plus d’être black, Chiron est peut être bien aussi homosexuel ; çà fait beaucoup. Traité par Jenkins, même pas ; la place de la masculinité dans les quartiers, la difficulté à assumer ses différences ; tout est traité avec beaucoup d’intelligence de justesse et de tendresse. Touchant de voir comment les autres enfants voient quelle est l’orientation sexuelle de Little Chiron alors que lui n’en as pas encore conscience. La réussite tient à un scénario clairvoyant et sobre, son budget lui est modeste. A croire que le cinéma américain n’est que meilleur lorsqu’il joue la modestie. Découpé en trois parties, la dernière est une belle synthèse d’un parcours de vie déjà riche pour un si jeune homme. Le film se termine par une très longue et surtout belle scène de restaurant riche d’enseignement. Et le dernier plan face caméra à la Truffaut, plan souvent utilisé au cours du film par Jenkins, ne laissera personne indifférent et peut faire parler des heures. Dans le Parisien : « Jenkins a filmé au plus près, presque comme un documentaire, les trois acteurs qui incarnent Chiron aux différents âges. Ceux-ci semblent parfois regarder la caméra, rendant palpable la douloureuse quête d'identité du personnage. ».Un seul regret : Mahershala Ali qui joue un père d’adoption exceptionnel traverse le film comme une étoile filante…
Sorti en 2017
Ma note: 17.5/20