Choisir son prochain long-métrage, choisir de faire une suite d'un film générationnel et culte des années 90, choisir de ramener sa bande d'acteurs originale marqués par vingt années écoulées, choisir de se ranger dans les clichés de son style auteurisant, choisir de ne proposer rien d'autres qu'un cynisme peu dispensable dans son écriture, choisir de provoquer la peine de pas mal de fans...
Vous l'aurez donc compris, la suite des aventures de Mark Renton et sa bande de losers attachants fait mal, très mal au coeur. Pour une personne dont les premiers émois amoureux de l'art cinématographique sont passés notamment par le cinéma de Danny Boyle et ces écossais perdus dans le vide, difficile d'accepter cet exercice de style se vautrant plus dans la complaisance pure et dure de son propre style plutôt qu'une réelle introspection plus nuancée. C'est simple, Renton, Sick Boy, Begbie et Spud ont certes été frappés physiquement par vingt années de vieillesse, mais n'ont rien perdu de leurs immaturités d'il y a 20 ans. Une immaturité toutefois traversée par un sentiment constant de regrets, où chacun de nos héros se demandent éternellement ce qui aurait pu se passer dans leurs vies si chaque geste aurait été différent dans le passé. Par exemple, Mark ( Ewan McGregor) regrette de s'être séparée de Diane (toujours un plaisir d'entendre l'accent de Kelly MacDonald, seule personnage volant la vedette en l'espace de cinq uniques minutes). Le reste du groupe, quant à lui, évite de confronter ces regrets en restant coincé dans une nostalgie dangereusement réconfortante pour eux.
Danny Boyle s'attaque donc à un concept très en phase avec le cinéma contemporain : La nostalgie.Pas la nostalgie des sabres lasers ou des numéros musicaux de Jacques Demy, mais la nostalgie d'une époque toujours pas révolue pour ces quatre losers. La rupture entre ces quatre personnages, presque tous incapables d'aller vers l'avant après la trahison de Renton à la fin du premier film, témoigne d'un blocage évolutif dû à une époque qu'ils détestaient, certes, mais auxquelles ils n'ont jamais su se détacher. Peut-être est-ce de cela dont " Trainspotting 2 " parle concrètement ? D'une difficulté pour certaines personnes d'accepter que les temps changent et qu'il faut changer avec. De ces gens répétant éternellement les erreurs d'autan (une scène incompréhensible et sortant de nulle part où le héros replonge dans la drogue, sans aucune raison logique et importante dans la suite de l'histoire) et qui ont de brèves moments de joies quand des classiques de Queen ou Run-DMC passent en boîte de nuit ou lorsque l'on se remémore les gloires dans le football anglais.
Ce blocage archaïque explosant formellement grâce à la mise-en-scène outrancière, voire ringarde à certaines moments, de Danny Boyle. Une imagerie datée et étonnante, de la part d'un réalisateur qui a nous toujours habitué à l'émerveillement et la surprise dans ses longs-métrages (rappelez-vous l'incroyable segment du NeXt dans l'extraordinaire " Steve Jobs " l'an passé), qui provoque une certaine gêne toute la durée du long. Des plans furtifs, démultipliés, remixés comme un clip vidéo MTV dans un rythme indigeste qui ne laisse aucune place à l'empathie générale envers nos héros, servant juste à prétexte d'un propos cynique ayant une certaine tendance pour la fatalité.
Difficile donc d'être séduit par cette monture actuelle de l'éternelle histoire des quatre bras cassés les plus célèbres d' Edimbourgh, la forme volontaire datée de " Trainspotting 2 " déçoit énormément. En refusant de faire grandir ses personnages, Boyle a préféré choisir une fable grisante sur l'archaïsme, rendant ainsi ses héros plus antipathiques qu'il y a vingt ans.
Victor Van De Kadsye