A la mort du milliardaire Charles Foster Kane, un grand magnat de la presse, Thompson, un reporter, enquête sur sa vie. Les contacts qu'il prend avec ses proches lui font découvrir un personnage gigantesque, mégalomane, égoïste et solitaire.
Citizen Kane – 3 Juillet 1946 - Réalisé par Orson Welles
Je suis quelqu'un qui ne croit pas aux classements. Oui les classements du genre « Les 100 meilleurs films de tout les temps » ou « Les meilleurs films du 21 eme siècle », que des critiques rédigent après une concertation plus ou moins grande, ou même des blogueurs parfois … Sauf que le problème avec chaque « top » c'est qu'il ne représente que les personnes qui l'ont conçu et qu'il ne sont pas forcément représentatif du cinéma en général. C'est dans ce cadre là que j'ai découvert il y a longtemps l'existence de « Citizen Kane » élu fraîchement « Meilleur film de tous les temps » par une flopée de réalisateurs, réalisatrices et critiques. Une titre honorifique qui en impose, mais me concernant à l'époque, ce n'était ni plus ni moins qu'un film portait aux nues par une poignée de gens snobs ! Sauf que depuis ce temps là, j'ai énormément changé, j'ai découvert mon premier Orson Welles avec « La Soif du Mal » qui est un petit bijoux et que « Citizen Kane » n'usurpe pas sa réputation …
Charles Foster Kane est un grand magnat de la presse à la fortune colossale, un homme que l'on adore, ou que l'on déteste et qui a presque réussi tout ce qui l'a tenter. Un homme ambitieux qui à marquer son temps et son décès laisse la presse américaine dans une profonde incompréhension, car si l'on connaît sa vie publique, il est difficile de dire qui était vraiment cette personne. Une interrogation légitime qui apparaît au moment du décès de Kane. Il était dans son immense palais de solitude « Xanadu », une boule de neige serrait entre ses mains qu'il lâcha lors de son dernier souffle, ou seul le mot « Rosebud » vient troubler cette étrange quiétude qui venait de s'installer. Car la presse qui pensait tout savoir, ne savait qui était « Rosebud » ! C'est ainsi qu'un journaliste va essayer de remonter la piste de ce nom, en interrogeant les uns après les autres diverses connaissances de Kane, proches comme collaborateurs, ils vont tous dépeindre un Charles Foster Kane différent, tantôt en homme affable et aimant, en impitoyable homme d'affaire ou encore comme quelqu'un profondément seul …
Au final je ne dirai toujours pas que « Citizen Kane » est le « Meilleur film de tous les temps », mais c'est bien l'excellent film dont j'ai entendu parler. Un film subtil, étonnant, vibrant et moderne. Un film sur un homme comme l’Amérique en compte des centaines (William Randolph Hearst) et un cinéaste prodigieusement talentueux pour réaliser ça. Un film qui a presque quatre vingt ans, n'en fini pas d'influencer les cinéastes et de marquer de son empreinte le 7eme art. Un intemporel qui fait encore écho de nos jours …
Des le début on est pris à contre pieds par l'histoire que nous conte Welles, on assiste à la fin de vie de Kane, puis on enchaîne sur la nécrologie préparée par un organe de presse. D'entrée on est surpris par cette succession de séquence, qui font passer Charles Foster Kane pour un certain Donald Trump, preuve si il ne le fallait que le self-made man à l'américaine est ancrée dans les gènes de ce pays, mais cela entraîne aussi une course à l'image, maîtrisée ou non qu'ils se doivent de posséder pour durer dans le temps et c'est ce que Orson Welles interroge pendant 2 heures. Avec la collaboration de Herman J. Mankiewicz, il livre un scénario qui déconstruit une certaine idée du rêve américaine, en interrogeant diverses personnes qui ont connu Charles Foster Kane et qui apporte un éclairage sur les événements clé de sa vie. Son enfance, comment il a tué symboliquement le père, ses premiers amours, ses ambitions, ses réussites comme ses plus cuisants échecs, une alternance de fait nourrit par l'envie de savoir ce qu'est « Rosebud ». Un macguffin qui nous dévoile un homme qui n'a pas eu d'enfance, qui c'est toujours construit dans l'affrontement, qui n'a jamais eu d'amis, ni de véritable amour, un homme seul dans son palais, seul face à lui même …
Un scénario solide qui prend toute son ampleur grâce au talent de Orson Welles à la réalisation. Des le début c'est soigné, précis, la caméra est sure et elle bouge élégamment pour nous faire rentrer dans Xanadu, découvrant par la même occasion l'immensité de cette propriété. Tout en retenue Welles nous entraînes dans cette enquête, sur le mystère « Rosebud ». Une introduction qui mêle prises de vues réelles et trucages (Matte-paintings), une pratique que l'on retrouve tout au long du film et qui rendent certains plans stupéfiants, une mise en scène puissante qui sert à merveille l'histoire et le parcours aussi clinquant que triste de Kane. Une dynamique qui imprime un rythme au récit soutenu, on ne s'ennuie jamais et les différents flash-back sont insérés avec beaucoup de justesse. Rien ne parasite la progression de l'histoire, jusqu'au final aussi fin que délicat qui nous donne la réponse tant attendue. Une maîtrise de tout les instants émane de ce film, que l'on retrouve au montage avec Robert Wise, au soin apporté à la photographie par Gregg Toland, à la musique de Bernard Herrman ou encore à la direction artistique ambitieuse de Van Nest Polglase qui fourmille de détails.
Quant au casting, il est vraiment très bon. On y trouve Joseph Cotten, Dorothy Comingore, Agnes Moorehead, Ruth Warrick, Ray Collins et bien d'autre, mais il y en a un qui mange tous les autres c'est « Orson Welles » ! Rare sont les réalisateurs qui se montrent aussi bon acteur et Welles fait partie de cette catégorie là, il maîtrise son sujet sur le bout des doigts que cela soit devant ou derrière la caméra. Le personnage est ici un prolongement naturel de sa personne qui s'efface (littéralement) derrière le portrait grandiloquent de Charles Foster Kane. Tantôt affable, colérique, jovial, sensible ou complètement désespéré il donne suffisamment de nuance pour que l'on apprécie toutes les aspérités du personnage dont il conte l'histoire. Une performance majuscule qui porte le film et qui marque l'esprit.
Il ne vieillit pas, il est immortel, il est Charles Foster Kane !