Synopsis : " Justine, dite Junior, treize ans, des boutons et un sens de l'humour bien à elle, est un garçon manqué un brin misogyne. Alors qu'on lui a diagnostiqué une gastroentérite fulgurante, le corps de Junior devient le théâtre d'une métamorphose étrange... "
Grave, le phénomène made in France qui fait autant parler de lui dans le pays d'origine de sa réalisatrice qu'à l'international. Partout où il passe, le film fait parler de lui. Partout où il passe, le film récolte les louages de la presse et des spectateurs. Mais pourquoi fait-il ainsi parler de lui et surtout pourquoi faut-il parler de ce film ? La réponse la plus simple : c'est un film de genre français réalisé par une femme. Ça peut paraître anodin, mais il n'en est rien. Présenté à la Semaine de la Critique lors du Festival de Cannes 2016, Grave s'apprête maintenant à conquérir les salles de cinéma françaises et le cœur des Français amateurs de chair fraîche. En attendant de vous donner notre avis sur ce film que l'on attend tout particulièrement, retour sur une réalisatrice à suivre et sur son précédent court-métrage qui ne laissait présagé que du bon !
À force, l'on a l'impression de se répéter et de dire à longueur d'articles que le cinéma français n'est pas uniquement constitué de comédies populaires navrantes. Ces dernières sont celles qui font le plus parler d'elles, mais elles ne représentent heureusement, pas le cinéma français dans son intégralité. Il a bien plus de choses à vendre et à prouver que cela. Ne serait-ce que dans le registre du cinéma d'horreur et de fantastique. Christophe Gans, Pascal Laugier, Alexandre Aja ou encore Benjamin Rocher. Quatre noms qui nous viennent directement à l'esprit et qui prouvent qu'en France, nous avons des talents créatifs et ambitieux, qui aiment le cinéma de genre et peuvent offrir au public français de bons et beaux films. Ces derniers représentent la face émergée de l'iceberg, car résident des dizaines, voire centaines de jeunes et talentueux artistes qui ne demandent qu'à voir leurs projets menés à terme. Parmi eux, Julia Ducournau que l'on pourrait d'ores et déjà placer au même rang qu'un Benjamin Rocher même si ce dernier a une filmographie plus développée.
Diplômée d'une double licence de lettres modernes Anglais à la Sorbonne-Paris IV, c'est en 2004 que Julia Ducournau intègre le département scénario de la Fémis. École de cinéma de renom, dont elle sortira diplômée en 2008. Dès 2005, Julia Ducournau signe un premier court-métrage de 10 minutes, titré Corps-Vivants. Elle récidiva dès 2007 avec une seconde réalisation, toujours sous le format court et avec une durée de 10 minutes, cette fois titrée : Tout va bien. Deux essais, deux premiers films avant de réaliser son film de fin d'étude pour la Fémis, un certain , dont elle signa également le scénario. Trois films que nous n'avons malheureusement pas pu voir, contrairement au bien plus connu, à celui qui lui a permis de mettre un premier pied dans le monde du cinéma : Junior.
Sélectionné à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2011; Prix du rail d'Or du meilleur court-métrage au Festival de Cannes; Prix du Public au Festival Premier Plans d'Angers... Junior conte l'histoire de la jeune Justine qui un beau jour, va se rendre compte que son corps se métamorphose étrangement. Cinq ans avant Grave (cinq ans, car Grave a été présenté en festival dès le courant 2016), Junior pouvait déjà être vu comme les prémisses d'un hypothétique long-métrage. Non pas vis-à-vis du script et d'un développement nécessaire des personnages, mais bien vis-à-vis cette volonté d'aller toujours plus loin dans l'horreur sans omettre le caractère social et humain des thématiques développées.
Avec Junior, Julia Ducournau se sert de l'horreur et des caractéristiques du film de monstre pour parler de sujets humains et sociaux tels que le regard des autres, la méchanceté des enfants entre eux... Un film ponctué par quelques moments d'horreur, quelques plans bien sentis afin de faire frissonner le spectateur sans pour autant faire apparaître la moindre goutte de sang à l'écran. L'horreur est ici un moyen pour extrapoler les thématiques développées et provoquer chez le spectateur une jubilation interne. La fameuse jubilation, reflet de ce qu'il ne peut faire dans la réalité, mais voit se produire à l'écran puisque ce n'est que de la fiction. Le film n'est pas parfait et possède ses quelques défauts. Notamment un aspect scolaire agaçant dans la direction d'acteurs lors de la contextualisation. Mais dès que l'horreur prend le pas, Julia Ducournau s'éclate (aussi bien dans la réalisation que dans les choix colorimétriques) et fait preuve d'une audace fort appréciable, provoquant ainsi la jubilation du spectateur. De son côté la jeune Garance Marillier s'avère attachante et on ne demande qu'à voir dont elle peut faire preuve dans un rôle bien plus important. Et pour cela, Grave semble être le film de la révélation !
Vous l'aurez compris, celle qui cite inopinément dans ses interviews des réalisateurs tels que David Cronenberg, David Lynch ou encore James Wan, est une réalisatrice à suivre. Et à suivre de près, tant son Grave est prometteur, tant son Junior laissait augurer le meilleur. Une réalisatrice qui n'en est qu'à ses débuts, mais qui prouve que le cinéma français nous réserve encore de magnifiques surprises et que le cinéma en règle général n'est pas uniquement un monde d'hommes et encore moins le cinéma de genre !