[Edito] « Gangsterdam », apogée de l’humour problématique français.

[Edito] « Gangsterdam », apogée de l’humour problématique français.

Petit réquisitoire des Brouillons contre les dérives d'un genre adoré par un large public : La comédie française et sa tendance à être constamment sous les roues libres du véhicule problématique. " " , nouveau film de Romain Lévy et probablement le prochain gros succès du cinéma français, est l'apogée de cette tendance avec un déploiement hallucinant de la culture du viol, de l'humiliation et de l'homophobie.

Une chose que la France adore dans le cinéma populaire en général, c'est la comédie. Réfléchissez-y, les dix plus grands succès du cinéma français sont issus du genre de la comédie populaire allant de l'adaptation ciné d'une célèbre licence par Alain Chabat ou la carte postale inoffensif de Dany Boon pour le Nord. Pourtant, un si grand amour peut amener son lot de toxicité et doit définitivement prendre fin. A l'occasion de la sortie prochaine du dangereux " Gangsterdam" , prônant la culture du viol et l'homophobie, (on a pas encore vu " " , le fameux film où Christian Clavier doit héberger des roms), Les Brouillons propose une idée simple pour mettre un terme à ce fléau.

Messieurs les scénaristes, réalisateurs et producteurs du cinéma français : Comprenez la différence entre l'humour noir et l'humour problématique.

" Gangsterdam" , programmé à faire un carton intégral dès Mercredi prochain, est le parfait exemple pour témoigner de la mauvaise utilisation d'un type précis de comédie : L'humour noir. Le nouveau film de Romain Lévy, avec Kev Adams en vedette principal de cette tentative ratée de cross-over comédie et action, part dans un roue-libre total dans le maniement de l'humour politiquement incorrect, sans prendre conscience une seule seconde (comme d'autres homologues de ce genre) de la gravité de ce que le film promulgue.

Voilà ce qui se passe dans le film : Kev Adams et ses compagnons de voyages (dont son meilleur ami subtilement appelé Durex, veut absolument violer une jeune femme en faisant la part des choses entre un " viol doux " et un " viol violent "...) sont poursuivis par deux antagonistes armés et dangereux à la fin. Ceux-ci finalement maîtrisés par le bras fort du groupe des héros (joué par Hubert Koundé), un enjeu moral s'impose dorénavant : Braquant une arme vers eux, est-ce que l'un des héros commettra l'irréparable en appuyant sur la gâchette devant ses acolytes ? La solution s'avère bien plus dangereux à transmettre à son public : La tension est à son comble (où elle essaie du moins...) jusqu'à ce que Durex (joué par Côme Lévin) prend la parole et sort : " Au pire, vous vous sucez et on n'en parle plus" . Fou rire des gentils, fou rire et applaudissement d'un public hilare pendant que l'insoutenable se produit hors-cadre : Les deux méchants subissent un rapport sexuel non-voulu et forcé (donc, par conséquent, un VIOL !) en étant filmé sous peine de voir cette vidéo lâché afin d'être tranquille. Les gentils sont donc sauvés, Kev Adams a su s'affirmer en tant que héros, tout ça en pratiquant honteusement le viol et l'humiliation.

En rendant inoffensifs le viol et la cyber-humiliation, puisque utilisés à des fins " bénéfiques " par les " héros ", sans jamais remettre en question la gravité néfaste de ces idées, Romain Lévy et ses scénaristes ne pratiquent en aucun cas l'humour noir.

L'humour noir est un humour censé rendre inconfortable ses personnages principaux ainsi que les spectateurs. Paul Verhoeven l'a bien prouvé l'année dernière avec le phénomène " " , film polarisant pour son sujet mais qui ne se complaisait jamais dans sa violence. Pour prendre un exemple outre-Atlantique, avec évocation de sujets aussi difficiles que la pédophilie ou le harcèlement scolaire dans ses films, Todd Solondz est un réalisateur ayant su dépasser les limites de la bienséance. En riant jaune à de tels tabous afin de mieux dépeindre une vision de l'humanité misanthrope, il ne se montre jamais néfaste ou cruel car l'art de l'humour tabou est de rire dans le but de représenter le pathétisme de ses personnages perdus dans leurs névroses sans jamais prendre la sensibilité de tels horreurs avec légèreté.

En France, excepté des rares maniant l'humour noir avec formalisme et recul comme Albert Dupontel, les productions comiques et populaires s'empêtrent dans une bêtise rance où racisme, culture du viol et humiliations sont invoqués à bon escient pour faire rire un public toujours conditionné à accepter cela. " Gangsterdam " condense ce phénomène dangereux à son apogée, en se permettant en plus de vomir un racisme et une homophobie décomplexé à en vomir.

L'humour noir est une arme qu'il faut manier avec sagesse et précision, sans ces deux atouts, les conséquences sont dramatiques.

Victor Van De Kadsye