Gangsterdam, quand la polémique occulte l’œuvre de fiction

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Synopsis : " Ruben, Durex et Nora sont tous les trois étudiants en dernière année de fac. Par manque de confiance en lui, Ruben a déjà raté une fois ses examens. Même problème avec Nora, à qui il n'ose avouer ses sentiments. Et ce n'est pas Durex son ami d'enfance, le type le plus gênant au monde, qui va l'aider...Lorsqu'il découvre que Nora est aussi dealeuse et qu'elle part pour Amsterdam afin de ramener un tout nouveau type de drogue, Ruben prend son courage à deux mains et décide de l'accompagner. Ce voyage à Amsterdam, c'est le cadre idéal pour séduire enfin Nora, dommage pour lui que Durex s'incruste dans l'aventure. Alors que tous les trois découvrent la capitale la plus dingue d'Europe, leur vie va franchement se compliquer quand ils vont réaliser que la drogue qu'ils viennent de récupérer appartient aux plus grands criminels d'Amsterdam...Très vite Ruben, Durex et Nora vont comprendre que pour retrouver leur vie d'avant, ils vont devoir cesser d'être des blaireaux, pour devenir de vrais héros. "

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Outrancier, vulgaire, choquant, violent, sexiste, raciste, gerbant... depuis sa sortie le mercredi 29 mars 2017, le film Gangsterdam en prend plein la gueule. Difficile de passer à côté du film ou plus particulièrement des polémiques qu'il a générées. Les réseaux sociaux ne font que d'en parler et les médias s'y mettent avec des unes particulièrement accrocheuses ( " Un Film Adominable " d'après 20 Minutes). Finalement, personne ne parle réellement du film et de ce qu'il propose. En bien comme en mal, les réseaux sociaux radotent et polémiquent majoritairement sans réellement savoir pourquoi. Sans savoir d'où vient ce problème intrinsèque au film. Puisque oui, très clairement, il y a matière à polémiquer, mais la source du problème est bien liée à un élément qui constitue l'objet cinématographique qu'est Gangsterdam.

Seconde réalisation signée Romain Lévy après le succès, aussi bien critiques que spectateurs, de la comédie Radiostars, Gangsterdam s'avère être une comédie d'action aussi efficace que maladroite. Avec celle-ci, Romain Lévy cherche à s'adresser à un public plus jeune, amateur de blockbusters et de comédies US, et offrir à ces derniers un divertissant drôle et spectaculaire, tout en évitant de lisser ses personnages à l'inverse des autres comédies populaires françaises. Un film à l'image des générations auxquelles le réalisateur (également co-scénariste), cherche à s'adresser. Des générations pour qui, ce qui était vulgaire, outrancier et choquant il y a 20/30ans, n'est aujourd'hui qu'amusement. Il va être question de racisme, de sexisme et même de viol au travers de blagues et de jeux de mots. Mais est-ce que ça en fait pour autant un film raciste, sexiste ou qui prône le viol. Sans prendre parti puisque ne sachant ce que pensent les scénaristes, ça n'en fait pas un film raciste ou sexiste. Ces blagues et jeux de mots explicites sont à chaque fois déclamés par un personnage secondaire (incarné par Côme Levin) présenté dès son entrée dans le champ de la caméra par le protagoniste, comme quelqu'un d'antisémite, sexiste, homophobe et donc complètement à la ramasse. On sait qu'il va être gênant et tenir des propos qui vont déranger. Par le biais d'un travail de mise en scène, d'écriture, mais également de montage image/son (question de rythme afin de rendre les séquences drôles ou non) il était donc nécessaire à Romain Lévy et son équipe, de rendre ce personnage drôle à son insu, de le tourner en dérision, de le rendre drôle dans le but de le décrédibiliser lui et ses propos. Ce qui n'est foncièrement pas le cas. Gangsterdam est un film qui ne trouve jamais la tonalité parfaite afin de faire comprendre aux spectateurs s'il s'agit d'un pastiche ou d'un film sérieux dans ses propos.

On l'imagine et plusieurs éléments (son affiche nanardesque au possible, lens flare exagéré qui prend la forme d'un laser, mise en scène décalée, antagonistes qui jouent sur les stéréotypes, Manu Payet qui fait dans la caricature du personnage de mafieux, trio qui prend la pose à l'avant d'un offshore, contrepoint avec la bande originale qui va créer un suspense alors que la situation est ridicule...) nous poussent à voir cette œuvre telle une comédie potache, une parodie de films sur la mafia. Le spectateur l'imagine, mais n'en est pas pour autant certain, restant dans une incertitude constante. " Doit-on rire ? " " Est-ce vraiment du second, troisième voire quatrième degré ? " Ces blagues auxquelles on peut rire en privé parce que l'on connaît les gens qui les déclament deviennent ici problématiques, car on ne connaît la pensée de ceux qui les ont écrites. De son côté, la mise en scène s'avère beaucoup trop légère et n'embrasse pas suffisamment l'aspect surréaliste des situations pour permettre de rire de ces mêmes blagues. Ça manque de punch, d'impact, de folie et de décadence pour faire rire et comprendre qu'on est dans de la parodie, dans un humour au quatrième degré. Une mise en scène beaucoup trop lisse et terre-à-terre, dans la volonté de conserver un certain degré de réalisme dans la dramaturgie de son récit directement liée au développement de son protagoniste. Un personnage attachant grâce à une performance surprenante de Kev Adams. L'acteur qui jusqu'ici cachetonnait dans des rôles insupportables réussit à nuancer son jeu malgré un personnage à la caractérisation peu originale (jeune homme timide, mais qui va s'affirmer et prendre confiance en lui grâce aux aventures qu'il va vivre et poussé par l'amour qu'il porte à une jeune étudiante qu'il côtoie...). Un scénario extrêmement fonctionnel et caricatural qui, encore une fois, porte à croire que ce Gangsterdam a été pensé comme une parodie (qui peut donc dénoncer ce qu'elle montre et ce que déclarent certains personnages) et non une comédie sérieuse dans ses questionnements moraux.

Maladroit, provoquant majoritairement la gêne plus que le rire, mais surtout conventionnel et sans surprises, Gangsterdam pêche à cause de son scénario à la ramasse. Un scénario qui de par ailleurs, reprend l'exact schéma narratif que celui des autres productions de Romain Lévy, avec les mêmes amorces et la même utilisation abusive du fameux principe dramaturgique qu'est le Fusil de Tchekhov (présenter un objet ou détail en tout genre qui va être utile plus tard au cours de l'histoire). Abusive, mais néanmoins nécessaire pour fluidifier et rendre cohérente l'histoire racontée. Une histoire prévisible et aux thématiques sociales exploités dans le simple but de donner une cohérence à la drôlerie de certaines blagues et situations. Ce qui, bien évidement, ne marche majoritairement pas. Malgré tout, il n'en est pas pour autant un film honteux. Gangsterdam s'avère être un divertissement efficace dans ce qu'il entreprend, car extrêmement dynamique et techniquement de qualité. En partie décevante, à cause d'une redondance qui pointe le bout de son nez sur la fin, la bande originale composée par Rob offre néanmoins un cachet indéniable au film. Son goût pour les sons électronique dynamise et s'accorde aisément aux images inculquant un rythme à l'œuvre dans sa globalité. Elle reste tout de même sa création la moins intéressante, ou tout du moins, la moins bien montée, car utilisée de manière fonctionnelle. Fonctionnelle, sans être pour autant dénuée de fulgurances à l'instar de la réalisation. Des cadres majoritairement soignées, un style naturaliste légèrement contrasté avec un appui sur les couleurs vives. Un film visuellement très lumineux avec une véritable richesse colorimétrique dans le cadre, sans que cette même richesse n'ai pour autant un quelconque sens. Un stimuli visuel avant tout pour accrocher le regard des spectateurs. C'est pas désagréable et le montage, image comme son, s'avère suffisamment bien élaboré pour permettre à l'action de se développer et au film de progresser avec rythme et fluidité. Extrêmement simple, mais suffisamment maîtrisé et travaillé pour emporter et divertir.

En Conclusion :

Gangsterdam n'est pas la purge de l'année ou le film gerbant décrié partout. Les réseaux sociaux s'enflamment et s'insurgent aujourd'hui pour beaucoup et surtout, sans chercher la source du problème (cinématographiquement parlant). Romain Lévy a voulu avec Gangsterdam, réaliser une comédie trash et irrévérencieuse, sauf que son scénario et sa mise en scène ne s'accordent pas avec cette volonté. Beaucoup trop terre-à-terre et réaliste pour faire comprendre que l'on est dans un pastiche et non un film sérieux. Ça manque d'impact, de fun et de folie pour ne pas apparaître simplement comme faire du trash pour du trash. Les Ferrell, Appatow ou encore Trey Parker et Matt Stone avec la série South Park, réussissent à faire rire avec des sujets graves, car l'on est dans le registre du cartoon et ils le font comprendre. Le cartoon animé et/ou live. C'est par des situations surréalistes et un jusqu'au-boutisme forcé qu'ils réussissent à faire comprendre que c'est avant tout du second, troisième, quatrième degré. Romain Lévy et ces co-scénaristes, n'ont pas le talent de ces derniers, donnant un film maladroit, drôle par intermittence, mais avant tout gênant et qui nous laisse sur un étrange sentiment. Le film n'en est pas mauvais pour autant. Techniquement réussi, le spectateur se laisse aisément emporté grâce à la bande originale, aux situations qui s'enchaînent avec intensité et au casting surprenant. Kev Adams en tête et on en est les premiers surpris.

Ce n'est pas la comédie de l'année, ce n'est même pas la comédie du moment, mais Gangsterdam n'est pas pour autant une immondice. Et si c'était une production américaine avec un casting américain (sans Kev Adams), polémiquerait-on de la même manière ? Peut-être que oui puisque les problèmes du film sont avant tout liés à son scénario et sa mise en scène, mais peut-être que ces mêmes polémiques ne seraient pas aussi violentes et omniprésentes, occultant finalement ce que ce film est avant tout : un divertissement moyen tout simplement.

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