Ce film est d'abord une histoire de Chester Erskine, scénariste-producteur-réalisateur et surtout un homme polyvalent a Hollywood qui s'inspira d'un fait divers. Il proposa le projet au nabab Howard Hugues qui lui-même le proposa au réalisateur Otto Preminger pour deux raisons. D'abord il voulait tourner vite avec l'actrice Jean Simmons avec laquelle les relations étaient tendues mais qui était encore en contrat pour peu de temps, et ensuite parce que Preminger avait déjà fait ses preuves dans des films noirs sur fond d'adultère funeste comme dans "Laura" (1944), "Femme ou maitresse" (1947) ou "Crime Passionnel" (1949)... L'histoire fut scénarisé par un trio de très grande qualité, outre Oscar Millard on retient surtout les noms de Franck S. Nugent grand fidèle de John Ford, et non crédité le célèbre Ben Hecht l'un si ce n'est le plus grand scénariste hollywoodien des années 40-50. Alors que Jean Simmons est en pleine ascension (et qui confirmera son statut avec un série de grands peplums dont "L'Egyptien" en 1954 de Michael Curtiz), la star Robert Mitchum est choisi pour être son partenaire.
Le joli minois de Jean Simmons avec le charisme de Mitchum fonctionne à merveille. Le tournage ne fut pas de tout repos, Preminger étant très dur avec son actrice (sur proposition insistante du producteur Howard Hugues) allant jusqu'à demander à Mitchum de gifler réellement l'actrice lors d'une scène, gentleman Mitchum préféra gifler son réalisateur pour remettre les choses au point ! Ce qui n'empêchera pas les deux hommes de se retrouver pour l'excellent western "Rivière sans retour" (1954)... Mitchum joue un infirmier qui rencontre une jeune et belle héritière qui hait sa belle-mère. Séduit malgré qu'il en aime une autre l'infirmier se rend compte du projet funeste de la belle mais s'en rend compte un peu trop tard... Si les charmes et l'osmose entre Jean Simmons et Robert Mitchum est une évidence (ils auront une liaison) la vraie réussite du film réside dans le fait que les personnages sont magnifiquement écrits et sont éloignés des stéréotypes habituels et réagissent de façon parfois inattendue comparés aux films de l'époque.
Par exemple Mitchum n'est pas énamouré naïvement comme un ado et voit clair dans le jeu de la belle, sa fiancée n'est pas plus dupe du jeu malsain de sa rivale, la belle-mère n'est pas celle qu'on croit... etc... Les personnages ne sont pas engoncés dans un même caractères, ni noir ni blanc ils restent complexes mais jamais dans une caricature qui aurait puy faire de Diane/Simmons une femme fatale classique du Film Noir des années 40. Otto Preminger signe un drame terrible mais jamais larmoyant, un Film Noir qui détourne les codes et qui, mine de rien, modernise le genre à une époque où l'homme est un dur machiste et la femme soit l'épouse idéale ou la vénéneuse à éviter. Les deux stars du film se reverront pour des films plus légers dans "She couldn't say no" (1954) de Lloyd Bacon et "Ailleurs l'herbe est plus verte" (1960) de Stanley Donen. Pour l'anecdote, Jean-Luc Godard établit un top 10 des meilleurs films américains parlant en 1964 pour les Cahiers du Cinéma, "Un si doux visage" figure en n°9 pas si éloigné du podium composé de "Scarface" (1932) de Howard Hawks, "Le Dictateur" (1940) de Charles Chaplin et "Sueurs Froides" (1956) de Alfred Hitchcock.
Note :