Corporate (2017) de Nicolas Sihol

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Un film planté dans le décor obscur du monde du travail, un drame social dont le traitement le mène irrémédiablement vers le thriller socialo-financier qui place ce film dans notre actualité contemporaine. Premier long métrage du réalisateur Nicolas Sihol après quelques courts métrages dont "Tous les enfants s'appellent Dominique" (2008) dans lequel jouait déjà Violaine Fumeau qu'on retrouve ici dans le rôle clé de l'inspectrice du Travail. Cette dernière est une comédienne quasi inconnue (surtout des voix et du théâtre) ayant tourné un seul autre long métrage avec "Les Eléphants" (2014) de Emmanuel Saada. Le cinéaste l'a choisi pour contre-balancer avec le choix de Lambert Wilson, une inconnue pour l'inspectrice du Travail contre une star charismatique directeur des Ressources Humaines d'une grande société. Mais outre ces deux personnages fort du récit l'héroïne est une responsable RH jouée par Céline Sallette (inspirée par une RH qui servit de consultante pour Nicolas Sihol) qu'on avait pas vu depuis son rôle de Vénus dans "Saint Amour" (2016) de Gustave Kervern et Benoit Délépine. Elle est la responsable RH chargée de faire en sorte que les employés choisissent de partir (démission) plutôt que le licenciement (plus cher) et, s'il le faut en leur menant la vie dure jusqu'à ce qu'ils craquent mais, bien entendu, le suicide n'est pas prévu...

Outre le trio sus-cité on peut citer également les présences de l'excellent Stephane de Groodt (vu avec Lambert Wilson dans la comédie "Barbecue" en 2014 de Eric Lavaine), un peu sous-exploité, et Alice de Lencquesaing (fille de... encore malheureusement dans un énième second voir troisième rôle). Le réalisateur impose dès le début une atmosphère aseptisée et cloisonnée, on sent d'emblée que cette société est monstrueuse et que quelque chose de grave va se dérouler. Un climax cynique et froid qui instaure un suspense certain mais mal géré puisque vite inutile, la fin étant finalement aussi cousu de fil blanc qu'obligatoire. Le scénario montre et démontre bien les rouages administratifs et psychologiques mis en place par les Ressources Humaines pour pousser les employés récalcitrants vers la sortie. Des termes comme courbe de deuil, mobilité, évaluation comportemental... etc... deviennent des armes pour les comités de direction. Mais on reste un peu perplexe parfois, par exemple on n'apprend jamais rien sur cette société Esen, que fait-elle ? Que produit-elle ? Que sont censés faire les 90000 employés ? Car y-a-t-il une raison particulière de penser à un système aussi malsain pour virer les employés ?...

Le film ne répond jamais à ces questions se focalisant simplement sur la RH qui cherche à s'en sortir suite à un suicide qui l'accuse automatiquement. Bien que pesant et prenant le rythme reste assez monocorde alors que, pourtant, la fin devrait être plus tendue jusqu'à cette fin un peu démago et moralisateur mais une touche d'espoir dans ce monde cynique et terrifiant ne pouvait, sans doute, être fait autrement. Judicieuse mise en scène en tous cas, qui débute de façon statique dans la société, caméra à l'épaule en extérieur (signe de liberté) avant que les mouvements se fassent de plus en plus en fil du temps, l'héroïne se libérant du carcan hiérarchique. Néanmoins si "Corporate" décrit un monde en entreprise terrifiant et si l'histoire est d'un réalisme qui l'est tout autant on arrive pas à la tension vitale du magnifique "La Loi du Marché" (2015) de Stephane Brizé. "Corporate" reste un film intelligemment traité, solide et nécessaire. A voir et à conseiller.

Note :