Babel (2006) de Alejandro Gonzales Inarritu

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après les magnifiques "Amours Chiennes" (2000) et "21 Grams" (2003) ce film est le troisième et dernier opus de la trilogie existentielle du réalisateur mexicain Alejandro Gonzales Inarritu devenu depuis un des plus grands de sa génération puisque suivront ensuite des oeuvres majeurs avec "Biutiful" (2010), "Birdman" (2014) et "The Revenant" (2016)... Donc comme ses deux premiers sus-cités "Babel" reprend le concept de film choral dans lequel un paramètre accidentel relie les uns et les autres malgré eux, une sorte d'effet papillon qui va interagir sur leur destin. "Babel" est un titre assez énigmatique (dans la Génèse, les fils de Noé ont voulu érigé une tour pour atteindre le ciel, dieu pour les punir créa les différentes langues du monde), pour le cinéaste le titre symbolise justement la métaphore parfaite car si nous ne partageons pas la même langue "nous partageons tous la même structure spirituelle"... Le film fait déjà sensation avec un casting 4 étoiles où nous retrouvons l'acteur Gael Garcia Bernal déjà dans "Amours Chiennes" et qui est devenu une star entre temps avec "La Mauvaise Education" (2004) de Pedro Almodovar et "Carnet de Voyage" (2004) de Walter Salles. Mais la tête d'affiche est assurée par le couple Brad Pitt-Cate Blanchett tous deux alors au sommet de leur carrière et qui se retrouveront peu de temps après dans "L'étrange histoire de Benjamin Button" (2009) de David Fincher.

On reconnaitra la petite Elle Fanning, future révélation du film "The Neon Demon" (2016) de Nicolas Winding Refn, l'acteur Michael Pena qui retrouvera Brad Pitt "Fury" (2014) de David Ayer, l'actrice Adriana Barraza déjà dans "Amours Chiennes", tandis que du côté nippon les rôles sont tenus par l'expérimenté Koji Yakusho vu dans "L'Anguille" (1997) de Shohei Imamura et "Mémoires d'une Geisha" (2006) de Rob Marshall et surtout l'envoûtante Rinko Kikuchi future star internationale via "Pacific Rim" (2013) de Guillermo Del Toro et bientôt avec Juliette Binoche dans "Personne attend la nuit" (2017) de Isabel Coixet. Inarritu s'entoure de ses fidèles pour finir sa trilogie thématique en toute beauté avec son scénariste Guillermo Arriaga (qui se lancera ensuite lui-même dans la réalisation avec son premier film "Loin de la terre brûlée" en 2008) et également son fidèle directeur Photo Rodrigo Prieto. On suit donc plusieurs destins qui vont malheureusement être relié par la tragique utilisation d'un fusil. Un couple en crise parti se ressourcer au Maroc, une jeune fille sourde-muette en deuil de sa mère ne voit pas d'autre issu pour s'intégrer que de perdre sa viriginité, deux jeunes bergers de l'Atlas marocain qui font une grosse bêtise, une nounou mexicaine qui passe la frontière avec les enfants dont elle a la garde pour aller au mariage de son fils...

Les liens entre les uns et les autres sont parfois très minces mais démontrent aussi qu'un tout petit évènement à l'autre bout du monde peut avoir des répercussions terribles pour des inconnus. L'effet papillon vu par Inarritu dans toute la tragédie humaine. Sur ces destins on peut juste trouver que le couple américain parti au Maroc n'aurait pas dû avoir le lien filial avec la nounou mexicaine, triple drame pour eux ça fait beaucoup pour un minimum de vraisemblance. Le rapport entre la virginité de l'ado japonaise et ses drames intimes reste finalement la partie la plus intéressante car montre une complexité psychologique qui peut autant nous bouleverser que nous déstabiliser. Mais le scénario est implacable et le montage qui se joue de la chronologie pour mieux nous ébranler. En prime des acteurs investis et talentueux, outre les deux stars du film on mettra une mention spéciale à l'actrice mexicaine Adriana Barraza juste déchirante et l'actrice japonaise Rinko Kikuchi idéale en ado paumée. Un grand film qui clot de manière cohérente la trilogie de Inarritu. A voir et à conseiller.

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