Synopsis : " 1923. Georges, héros de 14 fuyant son passé, mène depuis quatre ans une vie nomade et aventureuse en Afrique lorsqu'il décide de rentrer en France. Il y retrouve sa mère et son frère Marcel, invalide de guerre muré dans le silence. Peinant à retrouver une place dans cet Après-guerre où la vie a continué sans lui, il fait la rencontre d'Hélène, professeure de langue des signes avec qui il noue une relation tourmentée... "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position " je m'installe comme à la maison " ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...
Après avoir signé une dizaine de scénarios, en partie mis en image par le cinéaste français Philippe Lioret ( Toutes Nos Envies, Welcome...) Emmanuel Courcol a décidé de passer derrière la caméra. Une première réalisation est un moment charnière dans la vie d'un hypothétique futur réalisateur. Avec Cessez-le-feu, Emmanuel Courcol prend des risques et s'attaque à ce qui se fait de plus dur, à savoir : un film d'époque. Se déroulant majoritairement en 1923 durant les Années Folles, période qui suivit la fin de la Première Guerre Mondiale, Cessez-le-feu relate les faits d'un héros de guerre qui n'assume pas son statut. Avec son introduction en pleine tranchée (plongée littérale dans les tranchées de la Grande Guerre) sous des bombardements féroces et barbares, Emmanuel Courcol donne le ton. Donne le ton et prouve en l'espace d'une séquence d'introduction qu'au-delà de l'histoire qu'elle va conter, cette œuvre sera techniquement brillante. Les combats ne sont pas visibles, mais chaque élément est utilisé de manière à ce qu'ils puissent être ressentis par le spectateur. Caméra à l'épaule, on suit le colonel Georges Laffont (interprété par Romain Duris, NDLR), dont la voix est couverte par les bruits des affrontements qui font rages hors champ et dont le corps va être peut à peut recouvert par de la terre, du sang et des morceaux de chair déplacés dans le champ de la caméra par des bombardements incessants. Tout ce qui est inutile à l'histoire et ne serait que fioritures dignes d'un film à gros budget n'est pas montré (les combats, NDLR), mais le hors champ va avoir son importance et entrer petit à petit dans le champ. D'abord suggéré par le son, avant d'être montré par le biais d'effets physiques (fumée, explosions, terre, sang...). À l'instar d'une guerre qui va atteindre chaque être humain, même ceux qui sont loin du front et que nous ne voyons pas. À l'instar d'un Après-Guerre qui sera psychologiquement âpre et difficile (l'aspect psychologique étant un élément que l'on ne peut montrer à la caméra directement et qui est donc un élément hors champ pouvant entrer dans le champ par le biais du jeu d'acteur). Cette séquence d'introduction à elle seule est un bijou de mise en scène, de travail technique et va être à l'image de ce que réserve le film dans sa globalité. Une introduction physiquement violente, là où le film est quant à lui psychologiquement violent.
Le ressenti du spectateur, cette brutalité et sensibilité, tant physique que psychologique, passe avant tout par le travail de reconstitution. Décors intérieurs et extérieurs, sans omettre les costumes et maquillage. Une reconstitution parfaite de l'époque (1916 dans les tranchées, 1923 en Afrique ou dans les rues de Nantes) permet au spectateur de se plonger avec facilité dans cette œuvre et l'histoire qu'elle conte. Celle qui est au préalable la belle histoire de retrouvailles entre frères, mais qui va rapidement devenir aussi brutale et difficile que le conflit subit par ces derniers. Un scénario qui relate avec la brutalité et la tendresse nécessaire, afin de créer une empathie, du syndrome PTSD : Post-Traumatic Stress Disorder. Comment la guerre a transformé les soldats, les a brutalisés et transformés sur le plan psychologique ? C'est par des actes, des dialogues, de simples placements d'acteurs dans le champ de la caméra, que le réalisateur et scénariste Emmanuel Courcol répond à cette lourde question. Et ce, sans aucune concession, mais toujours avec une tendresse sincère à l'encontre des personnages. Ce qui va rendre ces derniers touchants et attachants. Les prestations magistrales des acteurs Romain Duris, Céline Sallette et Grégory Gadebois ne font qu'accentuer la véracité de leurs personnages et l'émotion sincère que portent le réalisateur et les spectateurs à leur encontre.
Cessez-le-feu aurait pu être un film lourd et prétentieux, mais il en est finalement son opposé. Sensible et sincère, car brutal et donc réaliste vis-à-vis de ce qu'il raconte et des thématiques développées, c'est un film qui touche sans pour autant faire la morale. Il met l'accent sur un syndrome, déjà exploité à de multiples reprises au cinéma, mais dans un contexte peu exploité qu'est celui de la Première Guerre Mondiale. Ce qui permet au réalisateur et aux directeurs de la photographie ( Yann Maritaud et Tom Stern, chef opérateur de Clint Eastwood) de laisser libre court à leurs envies créatrices. La photographie, absolument somptueuse, rehausse les tons et apporte une chaleur salvatrice à des personnages troublés.