LA FORTERESSE CACHEEAkira Kurosawa
Avant de parler à proprement du film je tiens à vous causer de sa forme et à évacuer sa paternité.Commençons par l'aveu de George Lucas, il s'est inspiré de cette œuvre pour créer la guerre des étoiles. Effectivement quand on vous le dit, vous n'avez aucun problème à reconnaître les éléments. Mais moi qui ne l'ai su qu’après ça ne m'a pas sauté aux yeux pendant le visionnage. C'est très sensible sur le fond et pas du tout dans la forme. Le découvrir c'est aussi le voir libre de ce préalable sinon c'est courir le risque d’être déçu.Comme je le précisé en introduction, il est mon premier Akira Kurosawa, et je me refuse à réécrire bêtement ce que j'ai lu ou m'attribuer des expériences que je n'ai pas. Je sais qu'il est particulier car il est beaucoup moins violent que ceux qui le précédent et qu'il est le premier qu'il filma en cinémascope. Ce choix lui permet de donner une profondeur à certains moments. Pendant une scène de rébellion avec une centaine de figurants, ce format amplifie cette impression de foule de suffocation, de vague qui emporte tout, même nous en train de regarder. Ou de créer des paysages quasi irréels enveloppant une frontière de nappe de brouillard, la dématérialisant symbolisant son inaccessibilités. La réalisation s'en sert aussi pour mettre en relief les caractéristiques de certains personnages. Les positionnant seul en haut d'une colline, et les filmant en contre plongée, rajoutant à leurs charismeset nous parlant de leurs rangs sociaux.
La réalisation et sa composition de l'image est un vrai bonheur, d'une princesse endormie nichée au creux d'un arbre à un combat de samouraïs... J'ai eu l'impression, d'avoir à nouveau sept ans. Tout est étudié et rien n'a vieilli.J'aime beaucoup les noirs et blancs très tranchés avec de forts contrastes. Là le noir et blanc est plus subtile, il est utilisé comme un élément de narration à part entière et moins pour son esthétisme. les gens qui veulent définir un film par un mot ont beaucoup de mal, je serai bien incapable de le faire. Mais en recherchant les noms des provinces que nos personnages devaient traverser (noms que je n'ai jamais retrouvé),j'ai lu que c'était un film de princesse. Et j'ai eu envie de mordre.
Yukihime qui est la princesse en fuite est le vecteur d'un discours humaniste. C'est elle que l'on suit, c'est elle qui évolue et qui énonce l'idée humaniste qui sous tend tout le film. Elle est un personnage fort, capable de commander et gouverner en temps que seule héritière, la survivante d'un clan. Elle a cette manière de crier, ou plutôt de parler fort dans une expiration. Misa Uehara compose un personnage avec un jeu très actuel. Le plus souvent en jouant avec sa posture, et sans sur-jeu. Je glisserai un mot sur l'autre personnage féminin, celui de la paysanne, courageuse, dévouée. Dans ce film chaque personnage féminin est droit et sans faille. C'est un message auquel je ne m'attendais pas.
Mais celui qui incarne la droiture est le général Rokurota Makabe joué par l'acteur fétiche du réalisateur Toshiro Mifune, tout en droiture et en force, même son rire respire ces caractéristiques. Il incarne aussi le sens du devoir et de l'honneur. Il est le personnage central du film qui est le lien entre tous cesprotagonistes hétéroclites.Nos deux paysans sont interprétés par Minoru Chiaki (Tahei) et Kamatari Fujiwara (Matashichi)sont là pour amener la légèreté dans le film. C'est toujours de l'humour situationnel ou à base de mimiques. Je n'ai eu aucune sympathie pour eux. Et on est soulagé de ne plus les voir au moment ou finit le film.
Ce film m'a surprise. Je ne sais pas bien ce que j'attendais de lui, peut être une leçon de cinéma qui aurait vieilli, mais ce ne fut pas du tout le cas. Il m'a parlée de moi, de mes valeurs et en a profité pour réveiller l'enfant de sept ans qui aimait les films de samouraïs.