El Hombre de las Mil Caras

Par Inglourious Cinema @InglouriousCine

Francisco Paesa, ex agent secret espagnol, est engagé pour résoudre une affaire de détournement d’argent risquant d’entraîner un scandale d’Etat. L’homme y voit l’opportunité de s’enrichir tout en se vengeant du gouvernement qui l'a trahi par le passé. Débute alors l’une des plus incroyables intrigues politiques et financières de ces dernières années : l’histoire vraie d’un homme qui a trompé tout un pays et fait tomber un gouvernement.

El Hombre de las Mil Caras – 12 Avril 2017 – Réalisé par Alberto Rodriguez
De temps à autre, une histoire ubuesque sort dans la presse, accapare les médias et l'on se demande clairement au final comme cela a pu arriver, car rien ne semble réel ou tout bonnement vraisemblable. Et là, il suffit de prendre quelques minutes pour se retourner sur l'année écoulée et sur l'actualité pour s'apercevoir que la fiction à rejoint la réalité. Plus rien n'a vraiment de sens et ce qui est effrayant, c'est que l'on est de moins en moins étonné par ce qui se passe. Un mélange des genres cultivé par « El Hombre de las Mil Caras », par choix, mais aussi parce que le sujet « Francisco Paesa » l'impose …
Francisco Paesa ou « Paco » pour les intimes est un homme d'influence, un homme auquel on s'adresse quand on veut faire un travail ou l'on doit éviter de se salir les mains. Cet homme à tout pour lui, une prestance, une assurance à toute épreuve et les contacts qu'il faut pour mener à bien les dossiers qu'on lui confie. Pendant une période, il travaillera pour les services secrets espagnols, approchant ainsi de près l'ETA et bien d'autres organisations secrètes, hélas pour lui rien ne se finira comme prévu, les services secrets lui ayant tournés le dos lâchement. Malgré ce coup dur, Paco cherche toujours à se faire de l'argent, mais rien ne se conclut. Un jour, le responsable en chef de la Guardia Civil « Luis Roldan » vient le voir et lui demande comment garder ses deux maisons, ainsi qu'une forte somme d'argent qu'il a détourné! Une situation désespérée car le scandale va éclater et que son nom sera traîné dans la boue, un fait que Paco gère avec le plus grand des calmes, mettant en place le début d'une évasion rocambolesque …
Ne connaissant que « La Isla Minima » et ayant toujours quelques lacunes avec le cinéma d'Alberto Rodriguez (Grupo 7, 7 Virgenes), je me demandais comment serait son nouveau film, surtout quand on sait l'excellence de son précédent. Et bien j'ai été une fois de plus bluffé, « L'Homme aux mille visages » ou « El Hombre de las Mil Caras » nous entraîne à un instant T de l'histoire Espagnole, ou se mêle espionnage, thriller et escroquerie. Un film qui une fois de plus n'hésite pas sous couvert du divertissement à dénoncer les travers de la société espagnole, qui ne serait qu'un éternel recommencement …
Pour ce film le réalisateur collabore a nouveau avec la même équipe que pour « La Isla Minima », on retrouve ainsi le scénariste Rafael Cobos, le compositeur Julio de la Rosa ou encore le chef Opérateur Alex Catalan. (Équipe identique depuis ses débuts, exceptés les nouveaux collaborateurs qui se sont rajoutés de films en films). Avec son scénariste, Alberto Rodriguez écrit l'histoire de ce film en s'appuyant sur le livre du journaliste Manuel Cerdan (Paesa, el espía de las mil caras) et de nombreux travaux du journal El Mundo. Pour ça il se concentre sur un fait précis, la cavale de l'ancien chef de la Guardia Civil « Luis Roldan » accusé de corruption et de détournement de fond, ou l'on découvre le rôle de Francisco Paesa dans cette affaire.
Et c'est la que l'histoire est très intelligemment écrite, car la fiction rejoint la réalité et que le film s'amuse avec beaucoup de malice à brouiller les pistes. Des faits sont vrais, d'autres ne le sont pas, mais je défie quiconque de dire « c'est invraisemblable » ou « irréaliste », pourquoi ? Car on ne le peut pas ! C'est ainsi que le film montre le caractère presque inéluctable de pratiques douteuses qui reviennent comme des boomerangs, ou les hommes tombent inexorablement dans la corruption et dans les malversations de tous genres, encouragés et protégés par un système qu'ils alimentent ! Et ce n'est pas que l'Espagne que l'on retrouve ici décrite, mais aussi un grand nombre de régimes démocratiques.
Bref si Alberto Rodriguez se permet avec raison de tirer sur la politique, l'évasion fiscale et la corruption, il n'en oublie pas de conter un film d'arnaque dans la lignée des plus grands. L'énigmatique Francisco Paesa est un mélange entre Frank Abagnale. Jr, Jordan Belfort et Henry Gondorff, un personnage omnipotent qui a toujours au moins deux coups d'avances et qui s'avère être tout aussi effrayant que terriblement fascinant dans sa façon de fonctionner. Il ne se confie jamais, semble avoir des amis partout, mais qui ne le sont pas finalement et seul lui est au courant de la finalité de chaque action qu'il entreprend. Une position de maître du jeu que l'on constate comme le personnage fictif Jesus Camoes, qui se trouve comme nous, proche de l'histoire, de Paco, mais au final il est assez loin de la vérité et c'est cet aspect grisant que le scénario de Rafael Cobos et Alberto Rodriguez cultive pendant près de deux heures.
Des le début le réalisateur énonce son intention, nous serons devant une fiction, tirée de la vie réelle mais avec de la fiction. A partir de là Rodriguez étale son savoir faire et profite avec justesse des deux heures que durent son film. Si pour ma part je trouve le début un « peu » trop didactique que cela soit dans ce que sa montre que rythmiquement, car c'est un récit assez dense et qu'il vous faudra vous accrocher pour ne pas vous perdre. Cependant une fois la première demi-heure passée, c'est un régal de tous les instants, c'est bien rythmé, l'image est soignée et cela qu'on soit dans la luxueuse maison de Paesa ou dans une chambre de bonne parisienne. On se ballade aussi aux quatre coins du globes, Madrid, Paris, Cambodge, Singapour ou encore le Laos, sur les airs composés par Julio de la Rosa qui signe une bande originale électrisante, qui nous plonge dans les années 90 avec style, charme et élégance. La direction artistique de Pepe Dominguez del Olmo est à saluer, comme le travail de Fernando Garcia aux costumes et celui de Yolanda Pina pour tous ce qui est coiffure et maquillage.
Pour finir le casting est quant à lui vraiment très bon ! Dans le rôle de Luis Roldan on trouve Carlos Santos qui se métamorphose pour rentrer dans la peau du personnage. Mélange d'autorité et de paranoïa, on rentre facilement en empathie avec cet homme qui à fait des choses qu'il ne pouvait assumer, une performance pleine d'intensité récompensée par un Goya. L'acteur José Coronado joue Jesus Camoes, un homme qui se rêve comme son ami, mais qui reste immanquablement parmi les mortels. Il donne à son personnage beaucoup de charme, d'assurance et un brin de naïveté qui sied à sa place dans l'histoire. On retrouve Marta Etura dans le rôle de Nieves Fernández Puerto (La conjointe de Roldan), une femme de caractère qu'elle incarne avec brio et conviction, qui assume sa part dans l'histoire de son mari, quitte à se livrer aux autorités, la ou lui préfère se cacher. L'excellent Eduard Fernandez est magnifique dans le rôle de Francisco Paesa. D'une il se glisse à merveille dans le costume du personnage, c'est un gentleman, il a les manières, la tenue et la prestance pour que l'on est confiance en lui. Ensuite il fait preuve de beaucoup de finesse, de délicatesse et de malice afin de nous amener la ou il le souhaite et mon dieu que ce fut plaisant … 

Alberto Rodriguez réussit avec brio l'après "La Isla Minima" !Un excellent long-métrage à la forme et au fond maîtrisé de bout en bout.