Agé physiquement de 78 ans mais aussi azimuté qu'un jeune cinéaste d'une vingtaine d'années carburant au Redbull et aux substances illicites, Jerzy Skolimowski revient derrière la caméra avec " 11 Minutes ", un film-choral ahurissant jamais prêt à stopper sa frénésie visuelle.
Au cœur de Varsovie véhicule un groupe de protagonistes aussi différents les uns que les autres. Une différence dans leurs classes sociales, leurs conditions de vies, leurs âges, chacun semble appartenir à une étiquette imposé par Skolimowski pour les faire déambuler tels une valse de pantins dans un étourdissement général.
Le réalisateur de " Deep End" manipule ces outsiders tel un Dieu du Chaos pour aboutir à une conclusion définissant à elle-seule le chaos absolu, à mi-chemin entre l'explosion sociale de " Zabriskie Point " et la réunion des outsiders de " Magnolia " (sans une jolie fin cela dit...). Virevoltant entre différents points de vues dans une frénésie cocaïné, parcourant même celui d'un chien en vue subjectif, cette chronique saisit son public par une maîtrise inégalable du son et l'image en oppressant nos sens.
Une oppression ressentie aussi par ces personnages affreux, sales et méchants dont les motifs et les parcours semblent flous mais indéniablement antipathiques. Skolimowski ne brosse pas les spectateurs dans le sens des poils en nous faisant détester ces personnages, les filmant comme des marionnettes destinés à une seule chose : Créer une tâche, au sens littéral et figuré, dans une société semblant en harmonie. Une tâche transformant cette histoire, lorsque nous découvrons réellement son intention dans sa toute fin, en une chronique nihiliste époustouflante qui nous donne une gifle courte (1h21) mais suffisamment puissante pour que nous en ressortions pas indemne.
Avec Georges Miller et Martin Scorsese, Skolimowski prouve une fois de plus que l'on peut être âgé et déborder d'idées pour en mettre plein la vie et réfléchir le médium cinématographique. " 11 Minutes " sort de nulle part, ne se pose aucune question et fait un bien fou.
Victor Van De Kadsye