Synopsis : " Alors qu'il rentre retrouver sa famille, un homme est accidentellement enseveli sous un tunnel, au volant de sa voiture. Pendant qu'une opération de sauvetage d'envergure nationale se met en place pour l'en sortir, scrutée et commentée par les médias, les politiques et les citoyens, l'homme joue sa survie avec les maigres moyens à sa disposition. Combien de temps tiendra-t-il ? "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position " je m'installe comme à la maison " ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...
Adaptation du roman The Tunnel écrit par So Jae-won, Tunnel est un huis clos qui n'en est pas un. Pied de nez au film de Rodrigo Cotés, Burried, Tunnel est un film que l'on pourrait paradoxalement jugé comme très ambitieux, ou au contraire, trop conventionnel. Là où beaucoup auraient jugé que le huis clos aurait été le genre le plus adapté au film et à la création d'un attachement émotionnel de la part du spectateur envers le protagoniste, Kim Seong-hun décide de faire tout autre. Tel qu'il l'explique dans le dossier de presse du film, ce qui a intéressé le réalisateur dans cette histoire, c'est l'interaction entre l'intérieur et l'extérieur. Entre cet homme pris au piège et ceux qui vont petit à petit graviter autour de lui, afin de le sauver ou au contraire de profiter de la situation. Pour sa seconde réalisation après Hard Day, Kim Seong-hun s'émancipe du genre et du registre du cinéma d'action, afin de s'engouffrer dans le registre du film social. Oui, sous son aspect oppressant, sombre et tendu, Tunnel est une œuvre avant tout sociale grâce à un scénario remarquablement écrit. Tunnel conte l'histoire de Jung-soo, jeune père de famille qui va se retrouver pris au piège lors de l'effondrement d'un tunnel alors qu'il se rendait chez lui afin de fêter l'anniversaire de sa jeune fille. Une prise au piège qui va être un prétexte afin de développer une critique de la société, et plus particulièrement de la Corée du Sud. Mais plus globalement, cette même critique est applicable aux Pays dont l'indice de développement humain est supérieur à la moyenne. Corée du Sud, mais également l'Allemagne, les États-Unis, l'Espagne ou encore la France pour ne citer qu'eux. Ces pays dits démocrates, mais régis par de grands patrons et une volonté d'avancer, de se développer, au détriment de ceux qui ne peuvent suivre au grès de leur volonté. Kim Seong-hun, également scénariste du projet, réussit à développer cette critique avec force grâce à des personnages secondaires extrêmement bien écrits. Il ne sont que de simples figurants ou faire-valoir, mais vont apporter un point de vue, une humanité ou au contraire une avarice nécessaire au bon développement de la critique sociale. Les patrons, les ministres, la presse... tous y prennent pour leur compte, sans que ce ne soit extrapolé ou exagéré.
Un scénario d'une justesse remarquable qui de plus, va jongler avec habilité entre l'intérieur et l'extérieur du tunnel. Offrant de cette manière une même importance aux différents personnages. Sans omettre cependant que le protagoniste reste ce père de famille dont les jours sont comptés. On notera quelques incohérences et facilités scénaristiques, mais des détails nécessaires au bon développement du scénario. Un mal pour un bien qui ne dérange en rien. Remarquablement écrit, Tunnel est également un film à la réalisation de qualité et à la direction de la photographie maîtrisée. Si les plans de l'extérieur s'avèrent être classiques, les plans de l'intérieur du tunnel sont superbes. Les sources de lumière artificielle sont bien utilisées et placées de manière à ce que les cadres soient intéressants à regarder des minutes durant. Le rétroéclairage d'un téléphone ou la lumière intérieure d'une voiture va, par le biais d'un cadre judicieusement choisi, donner du relief et du contraste au plan, tout en lui inculquant une certaine ambiance. Oppressante pour le coup, au vu du contexte. Une lumière qui va également mettre en avant les détails physiques tels que la fumée ou encore la poussière, qui vont donner du corps au film et un certain degré de réalisme permettant au spectateur d'y croire et de s'immerger plus aisément. Le tout porté par un casting haut de gamme avec en tête les remarquables et remarqués, chez Park-Chan Wook ou encore Guillermo del Toro : Ha Jung-Woo, Doona Bae et Dal-Su Oh. Ils excellent tous trois et inculquent au film une sincérité émotionnelle nécessaire et à aucun moment exagérée.
S'il n'est pas une claque bouleversante ou un chef-d'œuvre exemplaire à cause d'une durée légèrement trop longue, Tunnel reste néanmoins un grand film. Un grand film qui se sert avec astuce du huis clos afin de développer en sous-texte une critique sociale et politique aussi riche que nécessaire. Remarquablement écrit, mis en lumière et interprété, Tunnel est un film à ne pas louper et qui ne vous laissera pas indifférent.