White Shadow est le premier film de fiction de Noaz Deshe, (2013) sorti en 2015, en France. On suit l’histoire d’Alia, albinos, en Tanzanie. Les albinos représente une population particulièrement menacée, traquée, à des fins de sorcellerie. Selon d’obscures croyances, les organes et membres d’albinos possèdent des vertus magiques. Le rôle principal est tenu par Hamisi Bazili qui fait ici ses débuts au cinéma.
En lisant/regardant les quelques critiques, certain.e.s rédacteurs/rédactrices supposent de la véracité de cette réalité. Avant de rentrer dans le film en lui même, il me paraît essentiel de préciser que la persécution et le massacre des albinos existent bel et bien. Et qu’ils perdurent. L’albinisme est une maladie génétique qui touche la pigmentation de la peau. Les personnes touchées par cette maladie doivent se protéger du soleil afin d’éviter de développer des formes de cancers. La Tanzanie est particulièrement touchée, mais elle concerne aussi les pays limitrophes. Ci dessous une campagne, appuyée par les chiffres de la Croix Rouge et de l’Unicef notamment:
Noaz Deshe est israëlien mais se déclare de venir d’aucun Etat. Il n’est pas concerné de près ou de loin par la problématique de White Shadow, mais a été marqué par un documentaire sur le sujet, diffusé par la BBC (qui avait fait scandale et qui a poussé les autorités Tanzaniennes à prendre des mesures). Inconnu du milieu, Deshe travaille cependant régulièrement avec Ryan Gosling, via le groupe de musique de celui les Dead Man’s Bone, ou sur ses films comme Lost River, en tant que producteur. C’est peu dire que Noaz Deshe peut susciter certaines interrogations.
D’ailleurs des interrogations, le spectateur en a dès le début du film. Le moins que l’on puisse dire c’est que Deshe ne cherche pas à inclure, à mettre à l’aise. Caméra au poing, le cadrage est frénétique, les dialogues s’enchaînent plus ou moins maladroitement. Pour autant, des séquences percutantes se détachent, comme cette poule que l’on suit à sa hauteur, qui court, qui peut nous faire que penser au calvaire qu’Alias, le personnage principal, va vivre. Car des proies, et du bétail à abattre, c’est bien de cette façon que les albinos sont perçus par les trafiquants. A coup de machettes, ils démembrent les albinos pour récolter le sésame, et la fortune.
Le parti pris du réalisateur s’inscrit dans une radicalité. La nuit est mise en scène est profondément sombre, c’est à nous de chercher des repères et le corps blanc d’Alia en est d’ailleurs un. Le jour, nous sommes aveuglés par une lumière très forte, blanche qui n’embellit en rien le paysage. Les corps démembrés sont montrés frontalement sans excès.
Après le meurtre de son père, lui aussi albinos, Alias est envoyé par sa mère, chez son oncle, pour le protéger. Alias tente de survivre le jour en vendant des babioles, des pièces informatiques (la poubelles des occidentaux à ciel ouvert appelée par Alias « les rêves des européens enterrés »). Le jour il évolue, caché, se protégeant du soleil, invisible. La nuit, il se terre dans une maison avec d’autres albinos. White Shadow, titre plutôt adéquat.
Il n’est maître de rien, ni de sa vie, ni de son corps. Ni même de ses actes, quand il s’agit de se venger, où ce sont les villageois ivre de colère et de sang, qui tentent de le pousser à tuer, ses bourreaux.
White Shadow est un petit film, dont on a peu entendu parler malgré Ryan Gosling à la production, et qui mérite un peu de lumière, ne serait ce que pour son sujet. Il peut déconcerter beaucoup mais la force du film est indéniable, malgré une grosse faiblesse concernant l’interprétation à part Hamisi Bazili, qui est le seul à se distinguer, mélangeant habilement rage et discrétion.
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