Attendue au tournant, la suite de la surprise de Marvel Studios nous fait pardonner ses petites sorties de route par sa bonne humeur communicative.
Prise de risque à reconsidérer au sein du Marvel Cinematic Universe – la firme de Kevin Feige ayant déjà suffisamment de succès à l’époque pour se permettre de sortir n’importe quel film, avec la certitude de cartonner au box-office – Les Gardiens de la Galaxie s’était révélé être une excellente surprise, blockbuster frais et revigorant au sein de la noirceur ambiante du genre, auto-persuadé de son sérieux pseudo-mature aussi lourd et vain qu’un triple cheese voulant se faire passer pour une salade au quinoa. Imparfait mais profondément sympathique, parfois trop chevillé à ses inspirations SF pop mais respectueux de ses modèles, le film demeure encore aujourd’hui la meilleure mise en application du cahier des charges Marvel, notamment en ce qui concerne l’humour souvent critiqué de la marque pour son inconsistance, qui trouvait ici une réelle place au cœur du récit, servant la construction improbable de ce groupe varié de misfits de l’espace mené par Star-Lord (Chris Pratt, toujours aussi attachant), et donc la prégnance de leurs sentiments naissants les uns envers les autres.
Plus que jamais, la logique voulant que le deuxième volet d’une saga de ce type cherche avant tout à mettre à mal la cohésion du groupe, et à créer des enjeux en complexifiant le caractère de chacun, s’avère payante. Si l’on pourra reprocher à la majorité des suites ou des reboots actuels de privilégier la pyrotechnie et un rythme effréné au détriment des personnages, de peur que le spectateur ne finisse par sortir son smartphone, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 tient à nous rappeler que le succès du premier film s’est constitué avant tout sur la dévotion de la moindre parcelle du métrage à la vraisemblance des relations de ses protagonistes, et donc à l’empathie qui se dessine avec le public ; une empathie pensée comme un lien privilégié entre la réalité et la fiction, voire comme l’outil d’immersion ultime voulant briser cette frontière que constitue l’écran, et que le blockbuster de base pense pouvoir atteindre simplement par le photoréalisme de ses effets visuels. James Gunn, lui, préfère nous annoncer son programme par un plan-séquence jouissif, dans lequel nos joyeux lurons, en pleine bataille contre un monstre géant, sont relégués à l’arrière-plan au profit de l’irrésistible Bébé Groot, dansant sur l’un des titres de l’indispensable tracklist pour notre plus grand plaisir.
De cet emploi de la distraction et du hors-champ, par ailleurs répété lors d’un gag hilarant sur du scotch, le réalisateur de Super nous indique que l’action n’est pas au centre de son deuxième opus. Si cela n’empêche pas au long-métrage d’être techniquement plus maîtrisé et spectaculaire que son prédécesseur (le découpage de Gunn est plus léché, tandis que les effets numériques, à commencer par la performance capture de Rocket, sont à tomber), il évite la carte pourtant très répandue de la surenchère, et recentre ses enjeux avec un nombre limité de décors et de personnages. Pas de doute, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 est un film qui a du cœur. Amoureux du moindre de ses héros, même les plus secondaires, il offre à chacun son moment de gloire, son introspection ou son dilemme moral, alors que leur petit monde est bouleversé par l’arrivée d’Ego (Kurt Russell), père biologique de Star-Lord, qui s’avère littéralement être une planète. Par cette personnification de ce décor que va visiter l’équipe, James Gunn appuie toute la confiance qu’il porte en sa production design, encore plus soignée et inventive dans son mélange de références. Réunissant des classiques de la SF et un kitsch joyeusement assumé, il regroupe le tout sous une bannière eighties en accord avec son univers, décelable dans toutes les strates de sa fabrication, d’une citation à K-2000 en passant par des modules où l’on conduit un vaisseau à distance, nous replongeant dans les sonorités des salles d’arcade d’antan.
Pour sûr, l’ensemble aime prendre son temps, afin d’inciter le spectateur à une certaine contemplation, au sein de ce festival de couleurs signifiant. Mais c’est peut-être aussi la principale limite du métrage, qui pêche par la linéarité de son scénario finalement trop épuré. Car Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 possède pourtant deux sous-intrigues mêlées à son enjeu central, malheureusement trop rapidement expédiées et reliées par des ficelles assez artificielles. Outre quelques incohérences, ces maladresses engendrent des raccourcis et des évidences dans le déroulé du récit, ce qu’avait plutôt su éviter intelligemment le premier volet. Si ces erreurs ne s’avèrent pas dramatiques, elles renvoient néanmoins à la mécanisation dont souffrent nombre de productions Marvel. Et Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 souffre alors de son envie de se démarquer de la majorité des blockbusters, qui entre en contradiction avec le cahier des charges du studio de Kevin Feige. Son climax par exemple, rafraîchissant par son intimité, se doit malgré tout de sombrer dans l’habituel catastrophisme, filmé ici par-dessus la jambe avec quelques plans en montage alterné qui ne montrent (encore) aucune victime civile. Anecdotiques et inutiles, ces scènes, comme d’autres détails du film, semblent parasiter sa bonne foi. Néanmoins, il serait malhonnête de ne pas constater le plaisir évident que l’on ressent devant ce deuxième opus, bien loin du cynisme qui gangrène l’industrie (y compris Marvel), et qui préfère croire en ses personnages et leur synergie, afin de livrer des émotions vraies, autant par un humour toujours aussi fendard (mention spéciale au jeu absolument hilarant de Dave Bautista) que par des choix dramatiques plus risqués. Dès lors, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2, dans son rapport à son image et sa véritable identité, semble plus proche d’un Deadpool que d’un Avengers. Parfois maladroit et pas aussi iconoclaste qu’il voudrait l’être, le film emporte pourtant l’adhésion par ses envies et par la simplicité de son dispositif, qui souhaite construire une intrigue menée par ses personnages, et non l’inverse. A l’heure où le cinéma de super-héros, perdu dans ses impératifs de licences à relier, oublie qu’il doit nous amener à comprendre ces icônes modernes, James Gunn nous rappelle qu’elles doivent nous servir de modèles, tout en devenant des membres d’une famille imaginaire.
Réalisé par James Gunn, avec Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista…
Sortie le 26 avril 2017.