Monument du Septième Art longtemps considéré comme un film maudit et connu depuis pour avoir ruiné le célèbre studio United Artists. Depuis, ce film est redevenu ce qu'il a toujours été, un chef d'oeuvre incompris et maltraité... 3ème film de Michael Cimino après "Le Canardeur" (1974) et surtout "Voyage au bout de l'enfer" (1978) qui ont porté le cinéaste aux nues le réalisateur a pu ainsi obtenir ce qu'il voulait au niveau budget et artistique (il a le final cut !) à la différence notable que le box-office sera finalement le fossoyeur du film et ce, pendant de trop nombreuses années. A l'instar de Visconti ou Kubrick Michael Cimino fera preuve d'un perfectionnisme pointilleux, il aura déjà 4 jours de retard au 5ème jour de tournage ! Précisons que le budget prévisionnel était de 7 millions de dollars pour un tournage de 2 mois, au final le budget atteint 44 millions et le tournage dura plus de 6 mois ! Le film est tiré de l'Histoire de la conquête de l'ouest, des faits réels connus sous le nom de "Guerre du comté de Johnson (le titre originel du film devait d'ailleurs être "The Johnson County War") mais le cinéaste modifia plusieurs paramètres et notamment sur le destin réel des deux personnages principaux Averill et Ella Watson qui mourut bien avant la révolte des immigrants et la bataille finale qui n'eût pas vraiment lieu - pour plus de précisions c'est ici !...
Le film offre un casting qui, aujourd'hui nous ébloui mais qui est à l'époque un casting sans réelle star bankable. Joseph Cotten est la seule star confirmée (heure de gloire dans les années 40-50), ici dans son dernier film, John Hurt (qui nous a quitté il y a peu) est lui en pleine ascension avec, excusez du peu ! "Midnight Express" (1978) de Alan Parker, "Alien le huitième passager" (1979) de Ridley Scott et "Elephant Man" (1980) de David Lynch. Kris Kristofferson est un peu résumé à ses 3 films avec Sam Peckinpah dont "Pat Garrett et Billy the Kid" (1973), Jeff Bridges est lui aussi en train de gagné ses galons après sa participation à "Le Canardeur" et après le succès de son blockbuster "King Kong" (1976) de John Guillermin tandis qu'on reconnait les débutants Willem Dafoe et Mickey Rourke, ce dernier qui sera une star dans le prochain film Cimino avec un autre chef d'oeuvre, "L'année du Dragon" (1985). Et enfin, notre star frenchy, Isabelle Huppert qui a explosé avec "Violette Nozière" (1978) de Claude Chabrol tourne là son premier grand film international... Le film dure alors 05h25 lors de sa première projection en 1980 ! Après seulement 1 semaine d'exploitation Cimino remonte son film pour un durée internationale de 02h29 mais la version qui, aujourd'hui, doit avoir la primauté reste le director's cut voulu et dirigé (remastérisée et restaurée) par Cimino lui-même et présenté à la Mostra de Venise en 2012 avec une durée de 03h36 quand même... C'est de cette version qu'il est question dans cet article...
Dans cette version la voix Off originelle a disparu et il n'y a pas de flash-backs, choix du réalisateur. Une photo en noir et blanc s'apparente ici à un fil rouge presque subliminal. Par contre d'autres points restent malheureusement assez flous, comme l'ellipse importante qui nous cache le passé de Averill et ses conséquences (pourquoi est-il Marshall, pourquoi est-il exclu du club des gros propriétaires, le yacht est-il le sien ou celui de sa femme ?... etc...) Le mystère sur Averill est tout aussi intrigant. Mais la force du film réside aussi dans la beauté plastique du film, la photographie est sublime et suppose une sorte de lyrisme qui contraste magnifiquement avec la violence environnante. Cette violence qui fait écho au prologue où de jeunes diplômés discourent sur la mission qui les attend, dont la réplique qui marque reste "L'éducation d'une nation, voilà un idéal élevé"... Cimino ne quitte donc pas ses thèmes de prédilection, à savoir l'exploration d'une Amérique animale, violente et sans doute auto-destructrice. Ce film que certain considère comme "l'une des sept merveilles du monde cinématographique" (Samuel Douhaire critique ciné) est assurément un très grand film, le temps lui aura donné raison malgré tout comme souvent quand il s'agit de film maudit. A voir, à revoir, à conseiller...
Note :