ONLY LOVERS LEFT ALIVEJim JarmuschJe n'avais pas vu ce film au moment de sa sortie, car les vampire et moi nous nous côtoyons peu. Il y a de temps en temps un film qui attire mon attention comme what we do in the shadow, mais c'est toujours des films atypiques. Là ce fut le cas, et j'ai été séduite.
Ce film est beau. Son image est soignée, elle a un aspect baroque, un baroque chic et contemporain. Il est présent par petites touches un peignoir suranné qui ne détonne pas dans le paysage, des petits verres à liqueur dont le cristal est travaillé et ancien; ou les gants que les vampires revêtent.Ce film est un exercice d'équilibriste. Il y a une multitude de petits détails présents dans notre champs de vision qui forment un tout cohérent et très beau. Par exemple pour contre balancer cet univers daté, les personnages ont des looks actuels. La panoplie du rocker légèrement dandy pour Adam, avec pantalon en cuir et chemise largement ouverte, le tout de couleur noir bien sure.
Ou celui d'Eve des habits toujours dans les blancs cassés et coiffée de dreadlocks. ces personnages qui évoluent chez Adam dans un univers imprégné des seventies avec ampli et instruments de musique, collection de vinyles, télévision, téléphone et voiture d'époque. Eve utilise elle son mac, son portable mais cependant elle transporte des livres en édition originale dans une petite valise rigide d'un autre temps. Ça forme un tableau succulent et non daté que je ne suis pas sure d'avoir pu totalement embrasser, mais qui laisse le spectateur à la place de zombies comme la décrirait Adam.
La lumière est très particulière et importante. Elle est toujours tamisée et artificielle vu que tout se passe la nuit. La photographie de ce film reste ancrée en moi. Elle est somptueuse. Tout est réfléchi, même les objets et la manière dont ils sont mis en scène. Tout comme les personnages, je resterai fascinée parle visage d'Eve qui absorbe du sang et Tilda Newton qui transforme son joli visage en petit museau de félin, en l'espace d'une grimace, ou encore cette glace à l'eau qu'elle prépare et partage avec son amoureux. Ce sont des images qui ce sont imprimées dans ma rétine.
La photo est très importante, car ce film décline les contrastes. Il sont incroyables à l'image la pâleur de la peau de ces êtres diaphanes, le rouge du sang, le noir de la parure des draps dans lesquels ils dorment nus, les velours sombres; tout est tellement beau. Ce film donne l'impression d'avoir été édité sur papier glacé.Mais tout cela ne concerne que la partie sédentaire du film. Il y a également un pan urbain. Lorsque Adam amène Eve en balade dans les rues de sa ville. Et c'est une autre réalité mais également une autre utilisation de la photographie, plus terne et sans éclat. Le paysage urbain et désertique de Detroit permet d'alterner les moments de fascination et d’effrois. Jim Jarmusch arrive à faire réapparaître le frisson d'angoisse qui nous parcourt le dos lorsque nous traversons une ville déserte la nuit. Ces sorties permettent de faire naître une inquiétude et sort le spectateur du cocon dans lequel il se prélasse lorsqu'il est dans l'antre d'Adam.Pour parfaire cette alchimie, il faut une dose d'humour. Ici il est très fin avec des accents d'humour britannique. C'est toujours à propos de leur amour ou de l’absorption du sang. Mais il y a aussi la tempête Ava, sœur d'Eve. Mia Washikowska est le grain de folie du film des son arrivée. Elle est lumineuse, tous ses dialogues sont drôles, son jeu ses moues, sa manière de parler tout est jubilatoire. Elle est le point de rupture de l'histoire.un point de rupture mignon et absolument rafraîchissant. L'humour est utilisé avec délicatesse et brio.
Mais le scénario fourmille de richesses à décrypter. Des le départ le fait que nos amants éternels se nomment Adam et Eve n'est pas anodin. Si on cherche de la symbolique dans les prénoms Ava la sœur de Eve a un prénom qui ressemble à la jonction de ceux de nos deux protagonistes et l'on se demande dans quelle mesure ils ne l'ont pas créé. Ce qui entrerait parfaitement en résonance avec le discours de ce film.Dans le Ying et le Yang de ce film, il faut parler du choix de ces villes. Eve vit à Tanger dans cette ville au statut très particulier qui foisonne culturellement. Ou tout même les instruments de musique et la manière de la faire est différente. Elle est riche et engendre son propre renouveau. Quant à Détroit cette ville se bat pour garder une existence depuis plus de cinquante ans. C'est une ville à l'image d'Adam,, ou en tout cas qui lui renvoi un aspect du monde dans lequel il veut croire. Les somptueux théâtres sont transformés en parking, des blocs d'immeubles sans âmes,de longues routes... la réalisation traite en aucun cas des facettes de cette ville qui se reconstruit, ou de son milieu culturel bouillonnant
cette ville illustre le discours et les tendances du musicien à l'autodestruction. Lorsqu'il explique comment les humains (les zombies) ont tendance à utiliser les connaissances et les découvertes faites par les vampires.
Ils les utilisent pour tout détruire. Ils polluent l'eau, l'air, la terre, les aliments ils contaminent même leur sang. Et même l'art, derrière quoi se cache des vampires ne peut plus rien pour eux. Et ce constat donne une perspective différente a l'auto destruction de notre héros. Car ce mur qui se profile oblige les zombies tout comme les vampires à s'adapter, à revenir au fondamentaux et à se re créer, à déterminer à nouveau leurs priorités.Ce film est prodigieux, car son casting se compte quasiment sur les doigts d'une main. Mais je ne m’arrêterai que sur les vampires, je vous ai parlé d'Ava. Eve l'amoureuse prend la forme de Tilda Newton qui donne un petit coté animal à son personnage et qui sait très bien joué l’ambiguïté de son état d'esprit et en un quart de seconde elle devient mutine et quasi espiègle. Adam est Tom Hiddelston. Il incarne parfaitement bien ce héros et ses affres quasi shakespeariennes et pourtant en prise avec son temps. Le duo avec Tilda Newton fonctionne bien. Il joue avec simplicité et complémentarité. Ça fait plaisir de les suivre.
Christopher est joué par John Hurt. Il incarne une période . C'est bien de le voir cabotiner.
Ce film manie la glace et le feu avec une aisance déconcertante. Il y a un constat sans compromis sur ce que l'on traverse et de ou va l’être humain. Et en même temps une ouverture et un humour qui édulcorent ce constat. De plus ce film est tellement riche qu'il me tarde de le revoir et de découvrir d'autres facettes.