Ghost Dog

Par Inglourious Cinema @InglouriousCine

C'est au milieu des oiseaux, dans une cabane perchée sur le toit d'un immeuble abandonne, que Ghost Dog étudie un ancien texte samourai. Ghost Dog est un tueur professionnel qui se fond dans la nuit et se glisse dans la ville. Quand son code moral est trahi par le dysfonctionnement d'une famille mafieuse qui l'emploie de temps a autre, il réagit strictement selon le code samouraï.

Ghost Dog – 6 Octobre 1999 – Réalisé par Jim Jarmusch

Sur le moment je n'avais pas compris, mais maintenant que j'ai découvert Ghost Dog, je ne peux que repenser à l'enseigne Virgin ! Pourquoi ? Car c'est là, dans le Virgin Megastore de la place Gambetta à Bordeaux que j'ai acheté le dvd, à l'aune de la fin de cette enseigne, quand d'un coup, comme des charognards on s'est abattu sur les nombreux rabais que le magasin nous concédé. Je ne peux alors que trouver une certaine dose d'ironie, à avoir acheté le dvd d'un film, qui conte l'histoire d'un samouraï, témoin de la fin d'une époque …
Dans une ville qui ne dit pas son nom, la fin d'une époque approche pas à pas. Les mafieux de la ville tous plus vieux les uns que les autres règnent sans partage sur leurs territoires. Et ils éliminent comme il se doit, les indésirables et les traîtres à la cause. L'un des hommes de mains à la solde d'une des familles mafieuses fait de temps en temps appel à un tueur à gage, le redoutable « Ghost Dog ». Cet homme énigmatique qui a fait vœux d'allégeance envers son débiteurs, suit les préceptes du code des samouraïs et agit comme tel. Discret, efficace et taciturne, il est aussi mortel que ceux qu'il idolâtre et dont il apprend les enseignements chaque jour qui passe. Lors de son dernier contrat, rien ne se passe comme prévu, il élimine sa cible, mais il y a un témoin, la fille du parrain de la famille mafieuse qui l'a engagé! Désavouez, « Ghost Dog » est désormais une cible, malgré tout il va faire face et réagir en samouraï …
De Jim Jarmusch avant ce film, je ne connaissais que le doux « Paterson » et malgré les 17 ans qui les séparent, il n'y aucun doute à avoir sur le fait que l'univers est le même, alors que dans un, on parle d'un conducteur de bus adepte de poésie et dans l'autre d'un samouraï des temps modernes. Une histoire poétique, à la frontière du conte et du rêve sur la fin d'une époque. Et comme il y a quelques mois avec l'excellent « Paterson », Jarmusch m'a étonné de bout en bout …
Avec l'Hagakure comme livre de chevet et « Le Samourai » de Melville en fond, le réalisateur raconte une histoire pleine de spiritualité ou la communication est la clé ! Une fondation évidente de la compréhension entre les personnes qui semble rompu et dont notre héros fait les frais. Mais c'est aussi ce qui lui permettra de faire perdurer son héritage, a travers le regard d'une petite fille curieuse, ou encore celui d'un glacier français volubile et démonstratif, qui montre que s'ouvrir aux autres n'est pas si compliqué et que l'essentiel est de faire confiance à l'autre. Car si le monde des mafieux n'est pas enclin à s'ouvrir à lui et au monde, lui décide de « sa voie », de celle qui juge la plus digne afin d’être en paix avec ses principes. Une vie de conviction ou seuls nos choix doivent compter …
Une profondeur d’âme qui contraste par le décalage constant qu'impulse le réalisateur tout au long de son histoire. D'un coté, il y a toute la retenue du « Ghost Dog », toute la vie de reclus qu'il mène, avec force et simplicité, quand de l'autre on à un milieu mafieux décadent, qui se gausse dans sa propre suffisance et qui semble addict aux cartoons. Ce qui donne un film assez lent, mais au rythme totalement maîtrisé, ou les vers de l'Hagakure comme les musiques de RZA ou du Wu-Tang battent la mesure d'un récit efficace quoiqu'un peu classique dans sa structure. Et c'est dans ce mélange étonnant, voir totalement anachronique que le film se forge son identité, avec grâce, délicatesse et ce soupçon de poésie qui vous terrasse de chagrin.
Quant au casting, il tient en deux mots « Forest Whitaker » tant il porte et survole les débats dans le film. Alors certes les autres acteurs ne sont pas mauvais, ils sont même bons, mais comment ne pas être emporter par l'histoire de ce « Ghost Dog » ? La réponse elle tient sur les épaules de cet acteur phénoménal qu'est Forest Whitaker, qui par la douceur qu'il dégage vous fait baisser volontairement la garde, vous laissant désarmé par la finesse de son jeu; délicat mélange de force et d'émotion aux services d'une conviction sans faille. Une performance de qualité qui m'a laissé sans voix, simplement ému devant une telle prouesse …
Un film d'une grande puissance émotionnelle, poétique et décalé ...

Ghost Dog par Artem Demura