Critique : Problemos de Éric Judor

Critique : Problemos de Éric Judor

Jeanne et Victor sont deux jeunes parisiens de retour de vacances. En chemin, ils font une halte pour saluer leur ami Jean-Paul, sur la prairie où sa communauté a élu résidence. Le groupe lutte contre la construction d'un parc aquatique sur la dernière zone humide de la région, et plus généralement contre la société moderne, la grande Babylone. Séduits par une communauté qui prône le " vivre autrement ", où l'individualisme, la technologie et les distinctions de genre sont abolis, Jeanne et Victor acceptent l'invitation qui leur est faite de rester quelques jours. Lorsqu'un beau matin la barrière de CRS qui leur fait face a disparu...la Communauté pense l'avoir emporté sur le monde moderne. Mais le plaisir est de courte durée...à l'exception de leur campement, la population terrestre a été décimée par une terrible pandémie. Ce qui fait du groupe les derniers survivants du monde. Va t'il falloir se trouver de nouveaux ennemis pour survivre ?

Éric Judor est un cas particulier dans le champ de la comédie française. En effet son dernier film, La Tour 2 Contrôle Infernale, injustement boudé par une partie du public, témoignait d'une radicalité et d'un sens de la surcharge imparables. Avec Problemos, le metteur en scène et comédien retrouve cette veine, dans un film peut-être moins stable, notamment en raison du peu de budget et de l'errance d'une narration qui ne semble pas l'intéresser. Ici, il n'est plus vraiment question du cartoon et de l'exacerbation du burlesque (peut-être devrions-nous parler du Judor & Ramzy movie, tant le duo comique pourrait inventer un genre à lui seul), mais dans une sorte d'apocalypse du rire, où le moindre recoin de scénario sert l'idée de comédie. Ainsi Jeanne et Victor, un couple parisien déjà instrument de comique, fait halte au sein d'une communauté dont le nom nous est inconnu. Celle-ci a ceci de particulier qu'elle s'oppose radicalement aux injonctions de la modernité et propose une autre manière de voir les choses. Néanmoins une terrible pandémie attaque le monde, à l'exception de leur campement. Vaste programme, donc.

Dans le contexte actuel, il est impossible de ne pas penser à une variation française et comique de The Walking Dead (bien qu'il faille attendre la dernière scène pour émettre une telle hypothèse). Toutefois l'on ne peut pas affirmer que Problemos s'intéresse vraiment à une quelconque veine parodique. Au contraire, il reprend dans ses grandes lignes les motifs qui faisaient la réussite de La Tour 2 Contrôle Infernale, tout en s'en écartant afin de revenir à un schéma plus consensuel. En effet, le dernier film de Judor reprend l'idée du siphonnage, en cela qu'il exacerbe une vanne dans le but de la réinventer en permanence (il faut voir comment à partir d'une confusion, l'on passe d'un " pain de mie " à une " pandémie ", renvoyant les enjeux à un ridicule assumé). Néanmoins, et c'est peut-être là qu'il est le moins intéressant, le film titille en permanence l'humour- punchline, renvoyant au plus élémentaire de la comédie.

Critique : Problemos de Éric Judor

Ainsi Problemos semble parfois rejouer une ritournelle bien connue, d'autant qu'il beaucoup moins le non-sens que son prédécesseur (sans doute en raison d'un manque de budget, encore une fois). Cependant le film ne se limite pas à sa veine comique, puisqu'il entend poser sa vision du monde. En effet le retrait de cette famille dans une communauté permet au cinéaste d'interroger notre rapport à la numérisation, tout en discourant sur la formation d'un ordre social. La hiérarchie est-elle intrinsèquement liée à la fondation d'un ordre nouveau ? C'est probablement la question la plus intéressante posée par le film, derrière sa façade comique un peu ratée dans sa seconde partie, notamment lorsque la personnalité d'Éric Judor est mise en retrait, au bénéfice de seconds rôles relativement inégaux. La radicalité n'est plus aussi fascinante, et peut-être que le metteur en scène aurait à gagner à creuser le sillon de sa collaboration avec Ramzy. Celle-ci donnait lieu à un comique presque expérimental, tout à fait inédit dans la comédie française contemporaine. Néanmoins l'expérience Problemos vaut la peine d'être vécue, en raison des grands signes de contemporanéité qui y sont passer en revue.

Plus inégal, mais moins foisonnant et dissonant que La Tour 2 Contrôle Infernale, le dernier film en date d'Éric Judor, Problemos, demeure assez recommandable. Variation pittoresque de The Walking Dead, celui-ci charrie en son sein une radicalité moins affirmée, mais qui suscite toujours le rire. L'idiotie est toujours une sorte de profession de foi, dans un monde où plus rien ne semble avoir de sens (la redéfinition, très gratinée, de la temporalité), et dans un champ de la comédie qui affirme de plus en plus sa singularité.

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