LES FANTÔMES D’ISMAËL (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit
SYNOPSIS: À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d'un cinéaste est chamboulée par la réapparition d'un amour disparu...

Deux ans après avoir fait les beaux jours de la Quinzaine des Réalisateurs avec le très réussi Trois Souvenirs de ma Jeunesse, Arnaud Desplechin revient sur la Croisette, lui qui en est un habitué, mais contrairement à ce qu'on aurait pu croire, ce n'est pas les ors de la compétition qui lui sont offerts mais le prestige de faire l'ouverture de la 70ème édition. Avec une distribution de premier ordre, le réalisateur de La Sentinelle poursuit le maillage d'une œuvre tentaculaire qui se répond et multiplie les clins d'œil aux habitués sans pour autant larguer les néophytes et sans sombrer dans le fan service. C'est juste que connaitre l'œuvre dans son ensemble permet d'en mesurer la portée et les échos, de multiplier les saveurs et d'apprécier avec délectation le nectar proposé par un metteur en scène qui semble maîtriser de plus en plus les résonances qu'il veut donner à son travail dans son ensemble. Avec Desplechin on peut juger le travail ponctuel ainsi que la trace qu'il laissera en filigrane et rien que cela en fait un cinéaste passionnant dont le travail d'auteur est profond et conséquent.

Avec Les Fantômes d'Ismaël, film dense et touffu qui parait parfois trop exigu pour développer suffisamment toutes les thématiques qu'il embrasse, Arnaud Desplechin réussi partiellement sa mission. Durant la première heure, il épouse son récit avec une grande fluidité, alterne les époques et les tonalités avec maestria et tutoie la perfection tant l'ensemble est réussi, sans temps mort, ni circonvolutions inutiles. Le rythme est impeccable, les comédiens se renvoient la balle avec application et ce qui chez le cinéaste peut parfois sembler apprêter et théâtral (dans la manière de déclamer le texte notamment) est moins accentué qu'à l'accoutumée. Il faut dire qu'avec ce film il s'est trouvé des interprètes au diapason (fabuleuse Charlotte Gainsbourg, émouvante Marion Cotillard , intense et passionné Mathieu Amalric , intrigant Louis Garrel ) Dans cette première partie du film, le réalisateur crée une histoire où la fiction et la réalité finissent par se confondre et où nos perceptions se troublent retrouvant la verve romanesque qui lui sied tant et n'hésitant pas à citer ses œuvres ultérieures ( Rois et Reines notamment) au détour d'une photo ou d'un dialogue.

Cette belle machine lancée à pleine vitesse semblait tellement bien partie qu'on ne voit pas vraiment venir la sortie de route abrupte que va faire Desplechin . De digressions en changements de tonalités et en reculant de plus en plus sa caméra du focus qu'il faisait sur son triangle amoureux, le film va se perdre et nous interpeller en nous plongeant dans une espèce de tourbillon effréné où l'on perd la délicatesse de la mélancolie et où la sourde tragédie qui se nouait ne semble plus être le centre d'intérêt du réalisateur. Cette dichotomie fait que le film perd au final son bel équilibre et qu'il déborde d'un trop plein de signes à repérer comme un zapping sur tous les canaux internes d' Arnaud Desplechin . Le fait qu'une version avec 20 minutes supplémentaires existe explique peut-être ce sentiment d'un changement de cap radical et d'intrigues qui ne paraissent pas suffisamment développées. Ça ne fait pas pour autant des Fantômes d'Ismaël un film raté bien au contraire, mais ça en fait une œuvre qui laisse quelques regrets au regard de ces qualités, un film fascinant à bien des égards porté par une distribution exquise.

Titre Original: LES FANTÔMES D'ISMAËL

Réalisé par: Arnaud Desplechin

Casting : Charlotte Gainsbourg, Marion Cotillard, Mathieu Amalric...

Genre: Thriller, Drame

Date de sortie : 17 mai 2017

Distribué par: Le Pacte

BIEN