[Cannes 2017] “Wonderstruck” de Todd Haynes

wonderstruckEté 1977, dans le Minnesota.  Ben (OakesFegley), un gamin de douze ans, a la tête dans les étoiles. Passionné d’astronomie depuis sa plus tendre enfance, il est persuadé qu’il a hérité cet intérêt de son père, qu’il n’a pas connu. Sa mère avait promis de tout lui révéler sur ses origines, mais elle vient de décéder dans un accident de voiture avant de pouvoir le faire.
Placé dans une famille d’accueil du voisinage, Ben s’apprête à quitter la maison dans laquelle il a grandi, dans le Minnesota, et à abandonner les objets ayant appartenu à sa mère. Avant cela, il décide de rester un peu sur place pour fouiller dans les souvenirs de sa mère. C’est ainsi qu’il découvre un mot d’amour, sans doute griffonné par son père, dans un livre provenant d’une petite librairie newyorkaise. Alors qu’il appelle au numéro de téléphone indiqué, il est frappé par la foudre et devient sourd. Son handicap n’altère en rien sa détermination à partir à la recherche de ses racines. Il fait le choix de fuguer et de partir pour New York, en quête de la fameuse librairie.

Eté 1927, dans le New Jersey. Rose (Millicent Simmonds), une fillette du même âge, sourde et muette, n’a en tête qu’une seule étoile, une star du cinéma muet dont elle collectionne toutes les coupures de presse. Lassée de la relation heurtée qu’elle entretient avec son père, trop psychorigide et autoritaire, elle fugue pour aller à la rencontre de l’actrice, qui répète une pièce dans un théâtre de Broadway. Elle se dit qu’une fois en ville, elle pourra aussi revoir son grand-frère, qui travaille pour un musée.

Le montage de Wonderstruck alterne les parcours des deux enfants, assez similaires et symétriques. Ben et Rose, chacun à leur époque, se rendent dans les mêmes lieux, notamment le Muséum d’Histoire Naturelle, où se situent les clés du récit, s’arrêtent devant les mêmes installations, traversent plus ou moins les mêmes épreuves. On se doute bien, très vite, que les deux fils narratifs sont appelés à se croiser à un moment ou à un autre, et que Ben et Rose vont se retrouver, atteignant ainsi une sorte de paix intérieure.

Après Loin du Paradis et Carol, Todd Haynes a choisi de s‘aventurer à nouveau sur le terrain du mélodrame.  Wonderstruck est cependant un peu moins subtil que les films précités, la faute à un scénario trop chargé et trop rigide. On comprend pourtant ce qui a séduit le cinéaste dans le matériau d’origine, le roman pour enfants de Brian Selznick (1) : l’alternance d’une histoire racontée de façon purement graphique (celle de Rose) et d’une autre racontée de façon purement littéraire (celle de Ben), mais aussi la construction en forme de puzzle dont les pièces s’assemblent peu à peu, au gré des péripéties et des rencontres faites par les jeunes personnages. Cela aurait dû donner une oeuvre ample, mystérieuse et ludique. Hélas, à l’écran, la construction morcelée laisse finalement assez peu de place au mystère, car l’on devine assez vite les tenants et les aboutissants de l’intrigue et on peut facilement prédire les différents rebondissements du récit. Pour l’effet de surprise, c’est raté… Pire, cela laisse apparaître les raccourcis narratifs un peu trop faciles et les grosses ficelles mélodramatiques du récit, surlignées par ailleurs par une musique tire-larmes omniprésente.
Cependant, il faut bien reconnaître que Wonderstruck est un mélo diablement efficace. On suit le récit de bout en bout et les personnages, attachants, finissent par nous émouvoir, en dépit de la trop grande visibilité des artifices du scénario ou de la mise en scène, et c’est bien là l’essentiel pour ce genre de film.

Le plus réussi, c’est l’environnement visuel du film, assemblage de scènes oniriques, de prises de vue « vintage » (noir et blanc saccadé pour la partie située dans les années folles, image chaude, un brin granuleuse, typique des pellicules de l’époque, pour celle qui se déroule dans les années 1970), animation en stop-motion pour combler les trous de l’histoire et sceller la rencontre de Ben et Rose… Là, le film prend vraiment l’aspect du « cabinet de curiosités » auquel le titre fait référence, et retrouve un peu le concept du livre d’origine. Mais cela renforce le regret de n’avoir pas le même émerveillement face au scénario, trop linéaire et trop sage au regard du tempérament frondeur de ses jeunes protagonistes.

Vu le niveau attendu des oeuvres en compétition, Wonderstruck nous semble un peu trop léger. pour prétendre à un prix au palmarès. Mais ce n’est que notre avis… Et il y a fort à parier que le film devrait pouvoir toucher un large public lors de sa sortie en salles, grâce à ses thématiques universelles et l’abattage de ses jeunes acteurs, épatants de justesse, sans oublier la présence de deux des plus belles actrices hollywoodiennes, Michelle Williams et Julianne Moore.

(1) : “Black out” (titre original : “Wonderstruck”) de Brian Selznick – éd. Bayard Jeunesse