Pendant tout le visionnage, j’ai trouvé l’œuvre bizarre. On est passé près de quelque chose d’inoubliable mais vraiment près. Gâché sans doute par une VF pas toujours à la hauteur; et une incompréhension partielle dans les intentions du réalisateur.
Sur papier, il n’y avait rien de bien original pourtant. Ceci dit, pour ceux qui connaissent le travail de Dennis Lehane( scénariste sur le film) ; vous vous doutez bien que rien n’est jamais facile avec lui. Il y a souvent un retournement de situation ou/et des personnages dont le psychologie est excessivement travaillée pour le genre. Jamais dans la superficialité toujours dans la profondeur.
Il y a toujours une quête, une rédemption d’un des protagonistes. Et, j’ai bien envie de dire ici plus qu’ailleurs. Oublions l’histoire du bar dé dépôt du cousin Marv’s. Pour se consacrer au vrai sujet du film, à son cœur: Bob. Le héros ou l’anti-héros par excellence. Le nœud du problème ou sa solution.
Un personnage d’une complexité rare autant par écrit qu’à l’écran. Je me demande encore qui est-il. Le sait-il lui même? Et son créateur? Pour corser encore plus le jeu, il a fallu l’offrir au talentueux Mr Tom Hardy. Un rôle à sa mesure, taillé pour lui. Une composition tout en dualité en finesse. Contrairement à Legends, il ne se dédouble pas ici mais c’est tout comme.
Dès le début, on se demande pourquoi la caméra s’attarde sur cette homme soumis, pataud et anonyme. Ce Bob qui vit dans l’ombre de son cousin; se bornant à une routine morne et sans lumière à part quand il se rend chaque matin à l’église de son quartier.
Mais, le film prend un tournant significatif avec la découverte du chien, Rocco. Et, de la belle Nadia. Les échanges sont là encore maladroits parfois presque gênants. Plus proche de la réalité que des comédies romantiques dans ses têtes à tête. Peu à peu, Bob se révèle dans des scènes d’une tendresse sans pareil. Sans pathos ni excès. Ce qui rend l’homme encore plus mystérieux si ce n’est plus incompréhensible encore.
Cet homme qui ne sait jamais quoi dire; qui semble toujours à l’ouest. Ailleurs mais toujours là malgré lui. A toujours lutter entre deux courants opposés. Entre ombre et lumière. A ne pas attirer l’attention, à suivre les règles et à faire ce qu’on lui dit. Mais surtout, à veiller à être un meilleur homme; celui qu’il n’a jamais été jusqu’à présent. Un homme bien tout simplement.
Marv’s lui a tout du macho en apparence du moins. Imposant, sans pitié pour les clients infortunés. Il parle aussi pour deux toujours avec brusquerie et mécontentement. Un contraste saisissant avec Bob. Cependant, Marv’s n’est ni plus ni moins qu’une mauviette la plupart du temps. Ne semblant avoir jamais mis derrière lui la jeunesse et ses folles promesses. La gloire, la reconnaissance qui ont laissé place aujourd’hui à la défaite. Il semble ne s’être jamais remis de ça. De la dégringolade de son existence. Si son cousin veut tourner la page, lui veut réécrire l’histoire. Reconquérir le milieu qui l’a vu grandir.
Deux univers qui se rencontrent et s’entrechoquent par le biais de personnages qui entrent et sortent. Nadia, la femme fragile et forte qui a un penchant pour les mauvais garçons. Et, qui sans cesse tente de vivre une existence raisonnable, convenable. Son ex qui s’accroche à elle parce qu’il n’a personne d’autre. Jouant aux durs et à l’emmerdeur de service. Compliquant tout ou en le simplifiant au choix. Et ce flic qui se révèle moins bête qu’il n’est aux premiers abords. Méfiez-vous de l’eau qui dort!
Quand vient la nuit est un film déconcertant sur bien des points sans parler de surprenant. Il refuse les étiquettes, la caricature et les stéréotypes. La notion de bien et de mal; et plus encore ce lui ne l’est ce qui l’est pas est remise en question. Les protagonistes sont en prise avec leur identité et leur histoire. Leurs choix, leurs actes sont définis par ce qu’ils sont. Mais pour autant vu la complexité des sentiments et des dilemmes moraux qui les animent, il serait difficile voir inconcevable de tirer des conclusions hâtives.
15 SUR 20
Comme souvent, j’ai trouvé le roman meilleur; moins brouillon que son adaptation. Ne donnant pas l’impression de prendre le train en cours de route.
Chaque personnage a le droit à son histoire; à la parole. D’où il vient, les choix qui l’ont conduit jusqu’à ce moment. Et, le prix à payer. Là où justement dans le film c’était des contours flous ici les personnages secondaires renaissent sous la plume de Dennis Lehane. Ne serait-ce que pour l’impayable Eric Deeds.
Comme souvent chez l’auteur, la ville est elle-même un protagoniste à part entière. Boston est parait-il sa ville fétiche. Mais pas n’importe laquelle; ses bas-fonds gangrenés par la drogue, la mafia et l’argent sale. Où trop peu d’élus s’en sortent au final. Quand à ceux qui y restent plus par obligation que par choix, ils luttent tant bien que mal avec le poids de leurs passés respectifs, leurs racines. Une ville tentaculaire à l’image du The Town de Ben Affleck.
Un homme qui réussit a la possibilité de cacher son passé ; un perdant passe le reste de sa vie à essayer de ne pas se noyer dans le sien.
Il y a aussi beaucoup de nostalgie, de mélancolie dans le récit. Celui d’un autre Boston. Certes jamais blanc comme neige mais où les petites comme les grandes frappes avaient encore des valeurs, un code d’honneur et un certain panache. La goût du travail bien fait, le goût des belles choses. Un certain style sûrement.
Une beauté qui tend à disparaître comme ses magnifiques églises d’un autre temps vendues au plus offrant pour en faire des complexes immobiliers pour les plus nantis. Pas étonnant alors que certains quartiers peinent à se relever, à oublier ce que fut jadis. Et, à ne pas tomber aux mains de bandits sordides. Une époque glorieuse à jamais révolue; un temps où les politiques n’avaient pas encore démissionné. Quand, personne n’avait encore lâché l’équipe comme dirait Stephen King.
Si Quand vient la nuit sous-entend un libre arbitre propre à chaque être humain, il n’en reste pas moins que l’environnement pèse lourd dans la balance. Trop. Sans compter une certaine responsabilité collective qui permet, qui autorise cet état permanent de siège. » Quel qu’en soit le prix » comme l’annonce si bien la quatrième de couverture.
La première ville, celle que tu vois, c’est le costume dont on habille un corps pour lui donner une belle apparence. La seconde, c’est le corps lui-même. C’est là qu’on prend les paris, qu’on vend les filles, la came, les télés, les canapés et tout ce que le travailleur peut s’offrir. Les seules fois où le travailleur entend parler de la première ville, c’est quand elle le baise. La seconde, elle, est présente tout autour de lui chaque jour de sa vie.
18,5 SUR 20
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