Après l'avoir suivi comme beaucoup de cinéphiles avec avidité pendant des années, intérêt culminant avec la remise de la Palme d'Or au Pulp Fiction de Quentin Tarantino, j'ai peu à peu perdu tout intérêt pour le festival de Cannes. Des échos qui m'en parviennent il me semble qu'il a depuis une dizaine d'années perdu un peu de son rayonnement et beaucoup de son intérêt. Et ce à mon avis pour des raisons qui tiennent tout autant à l'évolution du marché du cinéma, de sa diffusion et de sa promotion qu'à celle du festival lui-même.
Le festival est placé sur le calendrier juste avant le weekend de Memorial Day qui lançait jadis traditionnellement la saison estivale du cinéma américain, il attirait ainsi les premières des gros blockbusters Hollywoodiens charriant avec eux leurs stars et leur couverture médiatique énorme qui rejaillissait par ricochet sur la couverture de l'ensemble des sélections. Ces films arrivant alors plusieurs mois après sur les écrans européens, les affiches et les démonstrations de force des studios donnaient à l'événement un lustre hollywoodien. Mais depuis, le marketing de ces grosses productions s'est transformé sous l'impulsion du digital et du piratage : les sorties " Day and Date " ( le même jour partout dans le Monde) , les premières mondialisées se sont généralisées faisant perdre au Festival ce statut de rampe de lancement. D'autant que parce que leur nombre a considérablement augmenté les blockbusters sortent désormais tout au long de l'année de février à décembre.
Face aux studios hollywoodiens qui ont standardisés leurs pratiques et la mutation profonde que connait le marché du cinéma, on a vu disparaître une catégorie d'acteurs qui était devenus indispensables à la magie de Cannes : ces compagnies indépendantes qui avaient pour prétention de venir concurrencer les majors sur leur terrain tel Cannon, Miramax et utilisaient Cannes et son marché comme tremplin à leur conquête. Ainsi le temps des annonces de deal tonitruants est derrière nous comme l'annonce d'un Caroloco ou Jean-Luc Godard produit par Cannon dont le contrat fut signé sur la nappe d'un restaurant ou de celle de la mise en chantier de King Lear de Arnold Schwarzenegger débarquant avec un James Cameron qui venait de finir le script dans l'avion ! Désormais les journaux professionnels (Variety, THR) sont disponibles toute l'année en ligne pour le grand public et l'on n'attend plus la messe du mois de mai comme autrefois. Terminator 2 avec
Enfin le festival de Cannes voyait souvent émerger que ce soit au marché où dans ses sélections parallèles des films, parfois de genre, qui généraient un buzz et s'y bâtissaient de solides réputations nous alléchant pendant des mois avant de pouvoir les découvrir . Le phénomène existe encore bien sur (l'exemple d' It follows me vient à l'esprit) mais j'ai le sentiment que des festivals comme Sundance mais surtout depuis quelques années le TIFF (Toronto International Film festival) ou SXSW à Austin sont devenus les vecteurs privilégiés pour ce type de films de par leur nature à la fois plus conviviales et moins élitistes. Ainsi il me semble que peu à peu la sélection officielle s'est " européanisé " ou recentré " sur quelques " sociétaires " ( Hanneke , les frères Dardenne) changeant un peu la nature du Festival. Ceci est sans doute pour le mieux pour ses aficionados , qui sont encore nombreux - je vous invite d'ailleurs à suivre les articles enflammés de notre envoyé spécial Robin - mais beaucoup moins pour l'auteur de ces lignes.