Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l'épouser... Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu'à ce qu'il disparaisse.
Après le succès de Leviathan, Andrey Zvyagintsev était fortement attendu sur la Croisette. Le public attendait le retour d'un metteur en scène brillant qui avait su marquer les esprits. Ce retour s'est effectué avec Loveless, un drame familial éprouvant qui montre les conséquences que peuvent avoir les trains de vie différents de parents par rapport à leurs enfants. C'est le cas de Boris et Genia qui ne sont plus sur la même longueur d'ondes. Ils vivent encore ensemble bien qu'ils soient sur le point de divorcer et, au milieu, il y a Aliocha, leur fils.
Le film est construit en deux grandes parties. La première se concentre sur les relations entre les deux parents. On y voit leur mentalité, leurs conflits, leurs vies avec leur nouveau conjoint,... Zvyagintsev se concentre tellement sur eux qu'il en oublie le fils. Ou plutôt, ce sont les parents qui sont tellement centrés sur eux qu'ils en oublient leur fils. Le portrait familial qui est brossé jusqu'à la disparition d'Aliocha est effarant et terriblement prenant à suivre en tant que spectateur. Toutefois, elle est un peu trop longue. L'élément déclencheur, la disparition, ne survient qu'après quasiment une heure de film. A partir de cet instant, tout va sembler changer mais, peut-être pas tant que ça.
La trame narrative est relativement classique. En effet, hormis la disparition et le couple qui se déchire, il n'y a pas grand chose d'autre. Cela pourrait sembler peu mais, l'écriture se rattrape ailleurs : sur les personnages. Tant les personnages principaux que les secondaires sont très bien écrits. Ils ont du caractère et une forte personnalité. Dans l'ensemble, ils paraissent tous très antipathiques voire cons. Leurs décisions semblent souvent irrationnelles. Les parents, parce qu'ils ne s'entendent plus, font n'importe quoi en ce qui concerne leur fils. Leurs conjoints sont égoïstes, les policiers sont à côté de la plaque et les personnes s'occupant de la recherche d'Aliocha sont un peu autoritaires, donnant ainsi l'impression qu'il s'agit d'un business.
La mise en scène de Zvyagintsev est souvent en mouvement. Il utilise beaucoup de travellings. Ainsi, il donne une dynamique à des situations paradoxalement statiques. Outre le sujet, il met surtout en valeur ses comédiens qui ont libre champs pour s'exprimer. Et Dieu sait qu'ils ont de la matière à exploiter. Chacun des comédiens, Alexei Zorin et Mariana Spyvak en tête, livre un travail remarquable. Un sacré terrain de jeu leur était offert et ils ont saisi l'opportunité en se donnant à fond. Résultat, le casting sublime cette histoire classique mais diablement efficace grâce à ses personnages.
Loveless est une des meilleures surprises de ce début de compétition cannoise. Avec un récit simple mais des personnages très bien écrits et dont les relations sont remarquablement construites, Andrey Zvyagintsev parvient à créer une ambiance lourde et particulièrement prenante. Dommage cependant que la première partie, malgré sa singularité, soit si longue.
Alexei ZorinamourAndrey ZvyagintsevCannesCannes 2017cinémacompétitioncritiqueCritique de filmdisparitionFestival de CannesLovelessMariana Spyvak