Critique : Okja de Bong Joon-ho

Par Cinephiliacr

Pendant dix années idylliques, la jeune Mija s'est occupée sans relâche d'Okja, un énorme animal au grand cœur, auquel elle a tenu compagnie au beau milieu des montagnes de Corée du Sud. Mais la situation évolue quand une multinationale familiale capture Okja et transporte l'animal jusqu'à New York où Lucy Mirando, la directrice narcissique et égocentrique de l'entreprise, a de grands projets pour le cher ami de la jeune fille. Sans tactique particulière, mais fixée sur son objectif, Mija se lance dans une véritable mission de sauvetage. Son périple éreintant se complique lorsqu'elle croise la route de différents groupes de capitalistes, démonstrateurs et consommateurs déterminés à s'emparer du destin d'Okja, tandis que la jeune Mija tente de ramener son ami en Corée.

Depuis l'annonce du programme cannois le 13 avril dernier, les polémiques se sont enchaînées concernant la présence de films Netflix en compétition du festival de Cannes. Mais tous ces débats étaient plus techniques qu'autre chose. Ce qu'il fallait avant tout, c'est de voir les films et juger du fond. Avec Bong Joon-ho et Noah Baumbach, il ne devait pas y avoir de craintes particulières mais, tout de même, est-ce que ces films avaient une légitimité à être là ? En ce qui concerne Okja, c'est oui, bien qu'il soit un ovni comparé à ce que la compétition propose habituellement. Et bien qu'il y ait un élément fantastique dans Jupiter's Moon (dont on vous parlera bientôt), Okja se démarque et prouve que Thierry Frémaux a eu raison de le sélectionner au festival.

Okja, c'est le nom d'un super cochon, une espèce censée aider à mieux nourrir la planète. Il est la propriété d'une société américaine qui entend bien les mettre sur le marché alimentaire et ainsi redorer son blason. Okja est loin d'être le cochon ayant été élevé dans un élevage industriel. Il a grandi dans les montagnes coréennes avec la petite Mija. Il est d'ailleurs son seul ami. L'idée qu'il aille à New York pour un concours de super cochons ne l'enchante donc guère.

L'histoire est donc relativement simple puisqu'il y aura Mija qui va tout faire pour empêcher Okja d'aller aux Etats-Unis. Bien entendu, divers intervenants seront là pour lui mettre des bâtons dans les roues et changer le cours de l'histoire. Rien de compliqué du tout, ce qui pourrait être regrettable. Heureusement, il y a les thématiques abordées et la mise en scène de Bong Joon-ho qui vient soutenir l'ensemble. Parler d'un cochon à qui l'on prête une certaine personnalité et une proximité avec les humains, ce n'est pas anodin. Le réalisateur coréen en profite pour faire un pamphlet contre la cruauté animale mais aussi la société de consommation.

La technique n'est pas en reste puisque Bong Joon-ho s'est fait épauler par Darius Khondji à la photographie. C'est la première collaboration entre le coréen et le français. Le résultat est convaincant. Mais, la vraie star du film, ce n'est pas Tilda Swinton ou Jake Gyllenhaal mais bien la petite Ahn Seo-hyun, l'interprète de Mija. Elle crève l'écran avec son charisme fou. Bien entendu, les cadors à ses côtés assurent aussi, Tilda Swinton en tête. La partition la plus jouissive reste tout de même celle de Jake Gyllenhaal dans un rôle à contre-emploi qui n'est pas sans rappeler la prestation de Tom Cruise dans Tonnerre sous les tropiques.

Okja est une production Netflix mais, il n'y a pas de doute, c'est un film de cinéma. Bong Joon-ho a surpris la Croisette avec un tel ovni mais il l'a a surtout ravie. Le casting est au service des personnages complètement barrés et est un plaisir pour les spectateurs. Est-ce que le film sera primé ? Probablement pas, on sait Pedro Almodovar hostile à l'arrivée du géant de la SVOD en compétition mais, une surprise peut toujours arriver.

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