C'est au tour d' Amaury Foucart, contributeur des Brouillons et rédacteur d' Opération Kino de passer le Cannes-Test. Au programme, un arbre, un général SS et un réalisateur québecquois.
Ma Palme d'Or favorite : The Tree of Life de Terrence Malick est un des plus beaux poèmes cinématographiques qu'il m'ait été donné de voir. Une bouleversante odyssée de la vie, inoubliable pour sa grâce, son mysticisme et sa réalisation virtuose.
Une Palme d'Or déméritée : Alors qu'en 2014, tous les festivaliers pronostiquaient la victoire de Xavier Dolan pour le consensuel Mommy, le jury décide à la surprise générale de remettre la Palme à Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan, austère et bavard petit théâtre filmé que tout le monde a déjà oublié, tandis que la jeunesse, la vivacité et l'audace du Dolan continue de marquer les esprits.
Un film en compétition que j'aurais aimé voir palmé : Christoph Waltz a remporté le prix d'interprétation pour Inglourious Basterds en 2009. C'était certes mérité. Mais une Palme d'Or pour Quentin Tarantino aurait été une proposition autrement plus stimulante que le plombant Ruban Blanc de Michael Haneke. En envisageant son médium comme ultime moyen de lutte contre la barbarie, Q. T. se met en abyme dans récit uchronique magistralement construit et jubilatoire, pour y trouver la quintessence de son cinéma. Son long-métrage le plus abouti à ce jour.
Un snob cannois que je ne comprends pas : The Neon Demon, Elle, Ma Loute, Mademoiselle... Bref, tous les chefs-d'œuvre de la sélection de l'an passé, incompréhensiblement ignorés par le jury de George Miller, qui s'est avéré plus sensible au militantisme plan-plan de Moi, Daniel Blake et à la mise en scène grotesque de Personal Shopper.
Un scandale qui m'a marqué : En 2016, la présentation en sélection officielle de The Last Face, invraisemblable nanar de Sean Penn, qui commettait un parallèle douteux entre la guerre civile en Afrique et la romance mielleuse de deux occidentaux. On se demande encore aujourd'hui comment une ignominie pareille a pu être conçue, et surtout, comment elle a pu se retrouver en compétition dans un festival aussi prestigieux que celui de Cannes.
Un événement qui m'a marqué : " Un mot pour les gens de mon âge, de ma génération [...] Je veux vous dire qu'en dépit des gens qui s'attachent à leurs propres goûts et qui n'aiment pas ce que vous faites, qui n'aiment pas qui vous êtes, accrochons-nous à nos rêves car ensemble nous pouvons changer le monde et le monde a besoin de changer. Toucher les gens, les faire pleurer, les faire rire... Nous pouvons changer leurs idées, leurs esprits, changer leurs vies et changer des vies signifie changer le monde. [...] Il n'y a pas de limite à notre ambition à part celles que nous nous donnons et celles que les autres nous donnent. En bref, je pense que tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n'abandonne jamais ".
Un président du Jury que je rêve de voir un jour : Auteur majeur du cinéma américain contemporain, David Fincher n'est venu qu'une seule fois à Cannes, en 2007, pour y présenter son chef-d'œuvre Zodiac (reparti aussi bredouille que No country for old men et La Nuit nous appartient). Il serait peut-être temps de célébrer comme il se doit ce cinéaste, non ?
Mon pronostic pour la Palme 2017 : Plus un souhait qu'un pronostic : Mise à mort du cerf sacré de Y órgos Lánthimos qui, je l'espère, secouera la croisette comme il y a deux ans avec The Lobster.
Amaury Foucart