Critique : 120 battements par minute de Robin Campillo

Par Cinephiliacr
Dans la France de Mitterand, au coeur des années 90, le groupe militant Act Up Paris, se bat chaque jour pour que la prévention contre le sida ne soit plus un sujet tabou. L'association n'hésite pas à mettre la pression aux groupes pharmaceutiques pour la mise sur le marché des nouveaux médicaments, ou à faire de grandes actions publiques, parfois jugée violentes. Au sein de ce groupe, arrive Nathan qui se met en relation avec Sean, un activiste très impliqué.

Des torrents de larmes, d'émotions, de rires et aussi pas mal de haine. Ce film est un bouillon d'émotions à l'état pur. Robin Campillo présente ici son troisième long-métrage à Cannes, après Eastern Boys sorti en 2014 et pour lequel il obtient le César de la meilleure adaptation. Le réalisateur est également un scénariste de talent, qui en plus d'écrire ses propres longs-métrages, écrit ceux de Laurent Cantet, le réalisateur de Entre les murs, palme d'or en 2008.

120 battements par minute, est un film dramatique, profondément humain, mais surtout nécessaire. Si l'action se passe il y a un peu plus d'une vingtaine d'années, le film nous confronte aux souffrances d'une maladie toujours incurable, et aux sujets sensibles qu'une société tente toujours d'éviter. Mais 120 battements par minutes, nous offre aussi une histoire d'amour, des aventures d'un soir, des combats et des luttes pour des causes justes.

Narrativement, nous sommes sur une chronologie classique, l'action se déroule plusieurs mois, avec l'entremêlement de plusieurs axes narratifs. Au départ nous sommes proches du groupe, d'Act Up dans son ensemble, avec bien sûr, quelques personnages phares, dont celui d'Adèle Haenel ou de Nahuel Pérez Biscayart. Nous nous imprégnons des objectifs d'Act Up, permettant à ceux qui ne seraient pas familiers avec les actions de ce groupe d'activistes, de comprendre à la fois le contexte politique de l'époque, et de comprendre les tenants et les aboutissants des différents personnages. Puis dans un deuxième temps, nous nous rapprochons du " nouveau venu " Nathan, interprété par Arnaud Valois et de sa relation avec Sean. Sachant que la maladie de Sean est à un stade avancé, la relation a une teinte éphémère qui la rend d'autan plus prenante.

Pas d'interdit dans ce film. Que ce soit dans les thèmes abordés, dans la manière de montrer la sexualité, ou la maladie. Visuellement, le film opte pour un naturalisme tout de même léché, une image naturelle, et pourtant le réalisateur nous offre des moments de pure extase. Un peu comme sait le faire Xavier Dolan, Robin Campillo place à des moments stratégiques des pauses poétiques. Stop aux couleurs neutres, on part sur du pop, sur des contrastes, sur de la musique, de la danse, des corps, des molécules des instants de vie au milieu de toute cette souffrance, de toute cette maladie. Le film serait déjà génial s'il était resté dans un classicisme formel, avec cette originalité il devient grandiose !

Ce qu'il y a de marquant dans 120 battements par minute, c'est cette pulsion de vie qu'il partage avec nous. Quelques rires pour beaucoup de sanglots, il ne faut pas se mentir, le film parle de Sida, et même s'il et balancé, il peut être difficile à supporter émotionnellement, mais Robin Campio et ses acteurs ont réussi à créer un objet cinématographique puissant qui nous rappelle que folle empathie que peut créer un film. La performance incroyable de Nahuel Pérez Biscayart perce l'écran avec un jeu dense et viscéral. Nous en sommes déjà à espérer un prix d'interprétation pour le jeune acteur.

In fine, Palme d'Or ou non, prix d'interprétation masculine ou non, 120 battements par minute est désormais un incontournable du cinéma français. Un bijou d'émotions qui ne peut laisser personne insensible, de par la beauté du message qu'il véhicule et de par la finesse de sa réalisation. Grand, flamboyant, important, nécessaire, impeccable, sublime, tordant, le joyau de cette sélection cannoise.

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