Le Cinéphile Intrépide termine avec enthousiasme mais aussi le vague à l’âme son exploration de la Sélection Officielle.
Samedi 27 Mai 2017.
Les meilleures choses ont toujours une fin. Pour mon dernier jour à Cannes, deux films au programme.
Le premier, You were never really here de Lynne Ramsay, a conclu les projections des films en compétition. Réalisatrice entre autres de We need to talk about Kevin, Ramsay renoue avec ce qui avait fait la force de ce précédent long-métrage, à savoir un refus de l’explication, une absence de contexte. Dès le début, on suit ce personnage imposant, abîmé incarné par Joaquin Phoenix, absolument dantesque, qui renferme une violence folle. On ignore tout de son passé et lorsque divers flash-backs, très elliptiques, se signalent, le voile n’est pas tout à fait levé encore. Si indices il y a, ils nous sont donnés de façon sensorielle. La question de l’origine du Mal, visiblement très chère à Ramsay, trouve une nouvelle fois un écrin très exigeant, privilégiant un faux rythme envoûtant, entre longues plages de silence et effusions brutales. Seule la mise en scène produit du sens, et même si le film se heurte parfois à une aridité excessive, il n’en demeure pas moins fascinant. La scène du lac, sorte d’échappée poétique au milieu de l’enfer urbain, constitue sans doute le pic émotionnel le plus fort du film.
J’enchaîne alors avec le dernier Roman Polanski, D’après une histoire vraie, porté par le duo d’actrices Emmanuelle Seigner et Eva Green. Si le réalisateur manque depuis quelques temps d’inspiration, rien ne m’avait préparé à un film aussi bâclé. Prévisible d’un bout à l’autre, ce thriller pêche principalement à cause de son écriture. Les dialogues, délivrés de façon poussive, sonnent faux et s’inscrivent dans une tradition littéraire poussiéreuse. Le trouble que Polanski tente de distiller entre les deux femmes, l’une romancière, l’autre biographe, n’a jamais lieu, tant il le dilue dans des joutes verbales qui ne laissent aucune place à l’observation. Les rares outrances du film, qui auraient pu créer l’étonnement, sont particulièrement risibles, surtout dans un dernier tiers qui rejoue le schéma du bourreau et de la victime alitée à la façon de Misery. Il y avait pourtant matière à élaborer des scènes extrêmement complexes et ambigues sur le plan psychologique. Le rapport entre l’auteure et sa muse, la recherche obsessionnelle de l’oeuvre « parfaite » et les conséquences que cela suppose, les thèmes étaient tout trouvés et indiqués pour Polanski. Hélas, le résultat est décevant.
Je me dis alors que cette ultime journée reflète totalement ce Festival, capable du meilleur comme du pire et finalement ni grandiose ni honteux. Une cuvée « moyenne », qui aura eu le mérite néanmoins de varier les expériences. Pour autant, les souvenirs mémorables ne manquent pas et il me tarde déjà de renouveler l’année prochaine cette belle et grande aventure.