Le Cinéphile Cinévore se lance dans une avant-dernière journée surréaliste.
Vendredi 26 mai.
La fin du festival approche, et avec l’envie de rattraper le plus de films possible, rentrer sur la capitale avec la satisfaction d’avoir fait une overdose de bobines. Pour ma part, je dépasse mon record de l’année dernière (vingt-sept films) et m’apprête à atteindre les trente. Pour cela, je me rends à la Quinzaine des réalisateurs tôt le matin pour découvrir Patty Cake$, que beaucoup dépeignent comme une bulle d’air frais au sein de la sélection, et ils n’ont pas tort. En effet, le film raconte l’histoire revigorante d’une jeune fille talentueuse dans le domaine du rap, et qui cherche avec ses amis à être reconnue dans un monde qui ne lui laisse aucune chance. Malgré la structure ultra-classique du récit, qui n’évite pas certains clichés, il s’agit d’un long-métrage soigné, amoureux de ses personnages et par moments original. On se laisse prendre avec plaisir au jeu et on ressort de la salle avec l’envie de scander des « fuck » sur la Croisette.
Néanmoins, je dois me dépêcher pour retourner au Palais afin d’assister à l’une des mes dernières grosses attentes de la compétition : In the Fade de Fatih Akin, le réalisateur du génial Soul Kitchen. Cependant, pas de comédie grinçante cette fois-ci, mais un film de procès et de vengeance passionnant, dans lequel une femme (Diane Kruger) cherche à comprendre qui a tué dans un attentat à la bombe son mari et son fils. Sublimé par une mise en scène glaçante (le travail des couleurs est impressionnant) et une écriture au cordeau, In the Fade se révèle être une œuvre fascinante sur les plaies ouvertes de la société allemande, entre problématiques contemporaines (l’immigration aujourd’hui remise en question alors que de les Turcs ont redéfini une partie de la culture du pays) et traumatismes jamais totalement enfouis. In the Fade est ainsi représentatif de la force du cinéma de genre, qui, derrière des codes particuliers, déploie en filigrane l’identité de son lieu de production. Une réussite qui prend aux tripes et mériterait une belle récompense.
Dès lors, je pense terminer ma journée tranquillement, alors que que tout le monde se rue sur des places pour assister aux séances de L’Amant double de François Ozon, que j’ai déjà vu quelques semaines auparavant. Mais c’est à ce moment-là que la magie de Cannes opère, et que je me retrouve invité à la soirée privée du film. Je marche dans une rue où les villas s’enchaînent. Je m’arrête devant un immense portail qui semble tout droit sorti d’un fantasme hollywoodien. A l’intérieur, un jardin avec piscine entoure une maison de rêve. Entre l’alcool, la musique assourdissante et la présence des stars de L’Amant double, je me rends compte du surréalisme de la situation, surtout quand moi et mes amis commençons à danser et à attirer le reste de la foule, à commencer par François Ozon et ses acteurs, autour desquels nous formons une ronde irréelle. Pour une dernière soirée, difficile de faire mieux, et surtout de mieux résumer la douce folie qui entoure le Festival de Cannes.