Lorsqu'un conservateur d'un musée d'art contemporain à Stockholm s'enfonce de plus en plus dans la mesquinerie et une perte totale des responsabilités, cela donne une Palme d'Or réjouissante signée par le féroce Ruben Ostlund.
The Square, sujet central du film, est une installation appellant les visiteurs du musée à s'y placer afin d'y entrevoir une place idéaliste d'entraide et d'égalité selon le manifeste de son auteur. Cette oeuvre d'art est comme tout autre, bien entendu, une fiction montrant une conception d'une réalité différente que celle auquel nous vivons et le travail du réalisateur Ruben Ostlund sera d'étudier le comportement d'une élite fasciné par les oeuvres aux valeurs humanitaires tout en restant figé dans un entre-soi irritant.
Cette charge féroce contre les tares de l'hypocrisie sociale fait grincer des dents, Ostlund prenant un malin plaisir à faire durer ses scènes à un étirement provoquant une certaine gêne. Là ou l'expérience s'avérait vite redondant et peu propice à une éventuelle réflexion dans son précédent film, Snow Therapy, le réalisateur se sert ici de son environnement (Un musée, lieu où tout peut être permis sur le prétexte de l'art) et regorge d'inventivité pour captiver le spectateur et l'interpeller sauvagement (parfois trop lors de sa conclusion interminable, cependant). Mention spécial au long numéro d'un performer homme-singe, joué par Terry Notari (qui a travaillé pour les nouveaux Planète des Singes entre autres) et qui rappelle des artistes extrêmes comme Chris Burden, qui traîne son malaise avec un plaisir ravageur laissant les spectateurs de la diégèse tête baissé et les spectateurs de la salle de cinéma sans voix.
Cleos Raes campe à merveille le rôle de cet homme arrogant centré dans son petit confort, gravitant autour d'un monde dans ce même état d'esprit. Un univers tenant comptes des malheurs d'autrui (nombreux plans sur des mendiants figés autour du musée) uniquement à des fins opportunistes tels qu'une hilarante et méchante campagne de pub polémique pour l'exposition destinée à faire le buzz sur les réseaux sociaux. Un monde pas uniquement centré en Suède puisque Elizabeth Moss et Dominic West se sont prêtés à ce jeu de massacre jouissif et absurde.
Une satire politiquement incorrecte ayant séduit le Jury de ce Festival de Cannes qui a pris conscience qu'une Palme d'Or pouvait interpeller un spectateur, le mettre dans plusieurs positions émotionnelles et offrir une véritable proposition du cinéma qui va plaire ou non à ceux qui le verront. The Square va faire grincer des dents, va faire rire, va faire griffer les sièges du cinéma par son spectateur devant cet objet percutant auquel on repense encore des heures, des jours après son visionnage.
Victor Van De Kadsye.