"Poster de Greg Ruth"
Au Moyen-Age, la tranquillité d'un petit village japonais est troublée par les attaques répétées d'une bande de pillards. Sept samouraïs sans maître acceptent de défendre les paysans impuissants.Les Sept Samouraïs – 26 Avril 1954 - Réaliser par Akira KurosawaCertains films ont un tel poids dans la culture populaire et une telle réputation que parfois j'ai l'impression de les connaître alors que je les ai est jamais regarder. Des films d'une telle puissance qu'ils influent sur toute une génération de cinéastes, qui ajoutent par la suite leurs contributions et qui propagent ainsi d'une façon indirecte ce qu'ils ont aimés précédemment. « Les Sept Samouraïs » est de cela, Akira Kurosawa a crée une œuvre dense, généreuse et aboutie à la portée universelle qui transcende les cultures et nations.
En pleine époque Sengoku, nombreux sont les samouraïs sans seigneurs (Des ronins) qui se transforment en bandits. Ils pillent, tuent et rançonnent les villages au grès de leurs envies. Un petit village qui subit depuis plusieurs mois les attaques répétées d'un groupe de pillards décide de ne pas attendre le prochain raid. Après la consultation de l'ancien du village, Rikichi avec d'autre villageois partent engager des samouraïs pour les défendre. C'est une tache délicate, car ils ne savent pas comment faire et surtout les samouraïs ont une très haute opinion d'eux même, ce qui complique les échanges. Les jours passent et les paysans commencent à se décourager, quand ils sont témoins d'un attroupement, un vieux samouraï décide de sauver un jeune enfant retenue en otage par un voleur. Sage , il use de la ruse et parvient sous l’œil admiratif des paysans à sauver l'enfant. Ce samouraï qui se nomme Kanbei est abordé par les paysans qui exposent leur demande. Il ne se prononce pas tout de suite et pèse avec recul le pour et le contre de ce qu'on lui propose. Les paysans n'ont qu'une promesse deux repas comme seule récompense, un repas fait de riz qui est un énorme sacrifice pour eux qui ne se nourrissent que de Millet. Touché par ça, Kanbei accepte et commence à réunir les Sept Samouraïs …
Ce n'est pas tous les jours que je regarde un film qui dure 3h27 et pourtant la découverte de ce film fut un régal de tous les instants. Akira Kurosawa réalise une fresque à l'allure de légende, qui fait du Japon ce nouvel Ouest Sauvage, coincé entre modernité et tradition que les plus téméraires oseront découvrir. Car en effet si ce n'est pas donné à tout le monde de s'asseoir et d'apprécier un film aussi long, c'est pourtant la condition sine qua non pour comprendre le travail de titan qu'a effectué le réalisateur avec ses équipes. Parce que ce n'est pas avec une version tronquée de plus d'une heure que vous trouverez cela …
Akira Kurosawa s'entoure de deux personnes avec qui il l'a déjà collaborer pour écrire le scénario, Hideo Oguni pour la seconde fois et Shinobu Hashimoto qu'il retrouve ainsi une troisième fois. Après la fin de l'occupation américaine, Akira Kurosawa est libre de faire le film qu'il veut, avec le genre qui lui plaira, notamment le « Jidai-Geki » (film d'époque) ! Car après la guerre et cela jusqu'en 52, les américains interdisent toutes sortes de choses pouvant exacerber la rancœur envers eux, c'est ainsi que toutes mentions du bushido est interdites et que bon nombres de films d'époques se voit interdit de diffusion. C'est ainsi qu'après une vague de « Gendai-geki » (film contemporain) peu apprécié, car trop critique sur le japon d'après guerre, il revient vers le film d'époque ! « Rashomon » sort en 1950, soit quatre ans avant « Les Sept Samouraïs » propulsé par le succès de « Vivre » en 1952 …
L'écriture du scénario fut à la hauteur du résultat, que cela soit par l'abnégation dont Kurosawa et ses scénaristes ont fait preuve, que par le niveau de détails et de recherches qu'ils ont donné aux moindres aspects de l'intrigue. Une minutie bienvenue qui donne une toute autre épaisseur à une intrigue que certains qualifieront peut être de prévisible. L'histoire est ainsi similaire à un duel, une fois passer le premier contact entre les paysans et les samouraïs, à partir de là, seul compte la voie du guerrier, patient et paisible, pesant la moindre décision avec gravité, jusqu'à l'affrontement inévitable. Un récit articulé sur la notion d’héroïsme, quotidienne ou extraordinaire. Il y a celui des paysans comme Rikichi qui décide de ne plus subir et de demander de l'aide, un acte héroïque car ce ne sont pas des castes qui se côtoient normalement, puis celui des samouraïs, un héroïsme différent, plus automatique, plus en phase avec leurs principes, qui laisse voir une pointe de lassitude, voire de fatigue à se battre pour vivre …
Un héroïsme qui galvanise, notamment par l'intermédiaire de l'extravagant « Kikuchiyo », un samouraï qui n'était autre qu'un paysan avant de les rejoindre. C'est le point de l'histoire qui va nous prendre au cœur et amener de l'émotion. Le réalisateur va ainsi nous parler d'un monde ou tout peut devenir possible, ou les samouraïs à contrario de la vision belliqueuse habituellement véhiculée n'hésitent pas à tendre la main et à se mettre au service de l'autre ! Ou le fils d'un paysan « Kikuchiyo » peut devenir un « Samourai » avec une abnégation hors du commun. Kurosawa fissure la frontière complexe qui sépare les classes sociales rendant ainsi le dialogue possible (l'échange autour du riz) ou chacun apprend quelques choses de l'autre. Mais la réalité est tout autre, si dure et pénible soit elle, elle fait en sorte que chacun reste à sa place. La fin est ainsi extrêmement cruelle, les paysans reprennent leurs vies, ils chantent et plantent leurs futures récoltes, pendant que Kanbei, Katsushiro et Shichijori contemplent les tombes de leurs amis tombés au combat. Kurosawa montre ainsi qu'il faut toujours se battre pour faire de notre monde, un endroit meilleur, plus juste et équitables …
Enfin comme à l'accoutumée, la réalisation de Akira Kurosawa est pour ma part irréprochable. Il ne fait à aucun moment l'économie de quoi que ce soit, la direction artistique est irréprochable, les costumes de Kōhei Ezaki et Mieko Yamaguchi sont soignés, Takashi Matsuyama pour les décors fait des merveilles (le village reconstitué dans la péninsule d'Izu) et la composition musicale est tout aussi excellente. Le réalisateur n'a plus qu'à orchestrer cette fresque de la plus belle des manières, comme Kambei, il prend le temps, on est toujours en mouvement, la caméra capte la moindre émotion, le détail qui change tout, pour ensuite mieux nous surprendre. Tel le western, le film en reprend quelques écueils, à la sauce « chanbara » toutefois. On retrouve le duel, le calme avant la tempête, ou encore l'opposition entre les samouraïs et les bandits, jusqu'à la grande bataille finale ! C'est alors une merveille de découpage, de rythme, d'intensité et de montage, les points de vues varient sans cesse et on est jamais perdu. C'est d'une fluidité à toute épreuve et Kurosawa n'en perd pas pour autant la maîtrise de son histoire, il sait ou il veut aller et on est tout étonné quand l'émotion, inattendue, pointe le bout de son nez et nous laisse pantois, brisés par ce que l'on vient de voir …
On fini donc sur le casting du film qui est tout simplement merveilleux ! Bien sur les Sept Samouraïs sont les personnages principaux, mais il ne faut pas oublier les prestations convaincantes de Yoshio Tsuchiya (Rikichi), Keiko Tsushima (Shino) ou encore celle de Kamatari Fujiwara (Manzo le père de Shino). Concernant les 7 Samouraïs, ils n'ont pas tous la même importance dans l'histoire, je pense en premier lieu à Yoshio Inaba (Gorobei Katayama), à Daisuke Kato (Shichiroji) et dans une moindre mesure Minoru Chiaki (Heihachi Hayashida), ce qui ne les empêche pas d’être bon et d'offrir une interprétation solide. Isao Kimura (Katsushiro Okamoto) joue le samouraï débutant, le nimaime, celui qui cherche à grandir et à s'affirmer dans ce monde perpétuellement en guerre, une belle performance, sensible et pleine de retenue. Seiji Miyaguchi (Kyuzo) se glisse dans les pas du samouraï « légendaire » ou rien ne l'atteint, ou tout lui semble facile, un personnage fascinant joué avec pudeur, calme et férocité. Puis il y a Takashi Shimura (Kanbei Shimada), le plus vieux et le plus sage des sept qu'il joue a la perfection, mêlant habilement confiance, respect et grande efficacité au combat. Et enfin l'immense Toshiro Mifune (Kikuchiyo) joue le personnage le plus réjouissant, le rôle de l'outsider qui devient Samourai, qui passe au dessus de ses malheurs par un éternel engouement, cachant ainsi ses émotions les plus fortes. Une performance XXL de Mifune qui campe les multiples facettes de son personnage avec talent, fougue, force et un brin d'irrévérence … Un chef d'oeuvre !