Personne ne lutte contre Le Destin
Carné/Prévert, un des duos majeurs du cinéma mondial des 30’s, signe, avec leur dernier opus, la fin d’un courant : « le réalisme poétique ». L’aspect poétique est pratiquement entièrement porté par un personnage mystérieux : « Le Destin ». Ce film ne figure pas au panthéon des deux compères, mais bien injustement.Un critique a écrit à propos de ce film : « La nuit tous les chats sont gris, dit-on. Sauf chez Carné et Prévert, les maitres du « réalisme poétique », chez qui la symbolique demeure toujours très forte. Clairement, pour eux, la nuit c’est l’occupation. Une tâche dans l’Histoire. Une période sombre sur le point de s’achever. Mais pas encore tout à fait. Dans ce Paris fraichement libéré mais toujours capitale d’un pays rationné et en guerre, l’heure est - plus que jamais - au règlement de compte. Car les rôles s’inversent : les puissants d’hier sont devenus les faibles ; les prédateurs sont devenus les proies. Et dans ce quartier populaire du nord de Paris, on assiste au chassé-croisé des ennemis d’hier tel un ballet orchestré de main de maitre par le Destin, personnifié en un fantasque clochard. De façon étonnement frontale, le film évoque ici - et sans concessions - la collaboration dans ce qu’elle a de plus sale et de plus rebutante : les dénonciations, les tortures, mais aussi l’exploitation de la situation, l’enrichissement et le profit personnel de certains aux détriments de leurs compatriotes et voisins. Autant de vices symbolisés par la Famille Sénéchal, formidables salopards de père en fils, merveilleusement incarnés qui plus est par Serge Reggiani et Saturnin Fabre. Face à eux, il y a ceux qui ont souffert en silence, les résistants et les gens du peuple. Ceux-là sont dans le ressentiment mais déjà plus dans la vengeance : trop de sang a déjà coulé, trop de souffrances ont été subies, et chacun aspire déjà à autre chose et à retrouver des jours meilleurs. Et puis, tel un printemps après un long hiver, il y a l’amour qui pointe le bout de son nez, comme l’espoir d’un possible renouveau. Sauf que chez Carné, il n’y a pas de rédemption possible. Tout cela est trop tôt. Les salauds restent des salauds et le bonheur n’est encore qu’un leurre. Au final, cela donne lieu à un beau film triste mais dans l’ensemble assez inégal, qui marque les débuts à l’écran d’un Yves Montand pas encore charismatique (pas trop aidé par l’interprétation assez fade de sa partenaire Nathalie Nattier) mais qui signe néanmoins avec la mythique chanson « Les feuilles mortes » son premier véritable succès. »Bien entendu que le film a vieilli et que les deux acteurs principaux n’avaient pas les épaules assez solides : Montand esttrop tendre et Nattier est transparente… Mais qu’en aurait-il été si Gabin et Dietrich s’en était emparés ? Eux pour qui Carné/Prévert avait écrit le film.
Moins connu que leurs films précédents, il mérite pourtant largement le détour. Pour mon compte ,e jeu du Destin et du hasard m’a beaucoup fait pensé au cinéma de Allen.Sorti en 1946
Ma note: 16/20
Carné/Prévert, un des duos majeurs du cinéma mondial des 30’s, signe, avec leur dernier opus, la fin d’un courant : « le réalisme poétique ». L’aspect poétique est pratiquement entièrement porté par un personnage mystérieux : « Le Destin ». Ce film ne figure pas au panthéon des deux compères, mais bien injustement.Un critique a écrit à propos de ce film : « La nuit tous les chats sont gris, dit-on. Sauf chez Carné et Prévert, les maitres du « réalisme poétique », chez qui la symbolique demeure toujours très forte. Clairement, pour eux, la nuit c’est l’occupation. Une tâche dans l’Histoire. Une période sombre sur le point de s’achever. Mais pas encore tout à fait. Dans ce Paris fraichement libéré mais toujours capitale d’un pays rationné et en guerre, l’heure est - plus que jamais - au règlement de compte. Car les rôles s’inversent : les puissants d’hier sont devenus les faibles ; les prédateurs sont devenus les proies. Et dans ce quartier populaire du nord de Paris, on assiste au chassé-croisé des ennemis d’hier tel un ballet orchestré de main de maitre par le Destin, personnifié en un fantasque clochard. De façon étonnement frontale, le film évoque ici - et sans concessions - la collaboration dans ce qu’elle a de plus sale et de plus rebutante : les dénonciations, les tortures, mais aussi l’exploitation de la situation, l’enrichissement et le profit personnel de certains aux détriments de leurs compatriotes et voisins. Autant de vices symbolisés par la Famille Sénéchal, formidables salopards de père en fils, merveilleusement incarnés qui plus est par Serge Reggiani et Saturnin Fabre. Face à eux, il y a ceux qui ont souffert en silence, les résistants et les gens du peuple. Ceux-là sont dans le ressentiment mais déjà plus dans la vengeance : trop de sang a déjà coulé, trop de souffrances ont été subies, et chacun aspire déjà à autre chose et à retrouver des jours meilleurs. Et puis, tel un printemps après un long hiver, il y a l’amour qui pointe le bout de son nez, comme l’espoir d’un possible renouveau. Sauf que chez Carné, il n’y a pas de rédemption possible. Tout cela est trop tôt. Les salauds restent des salauds et le bonheur n’est encore qu’un leurre. Au final, cela donne lieu à un beau film triste mais dans l’ensemble assez inégal, qui marque les débuts à l’écran d’un Yves Montand pas encore charismatique (pas trop aidé par l’interprétation assez fade de sa partenaire Nathalie Nattier) mais qui signe néanmoins avec la mythique chanson « Les feuilles mortes » son premier véritable succès. »Bien entendu que le film a vieilli et que les deux acteurs principaux n’avaient pas les épaules assez solides : Montand esttrop tendre et Nattier est transparente… Mais qu’en aurait-il été si Gabin et Dietrich s’en était emparés ? Eux pour qui Carné/Prévert avait écrit le film.
Moins connu que leurs films précédents, il mérite pourtant largement le détour. Pour mon compte ,e jeu du Destin et du hasard m’a beaucoup fait pensé au cinéma de Allen.Sorti en 1946
Ma note: 16/20