Compte rendu table ronde scenario du 18 mars 2017

Par Enjeux Sur Image

                                Compte rendu de la Table Ronde Organisée par Enjeux sur Image

                                   En partenariat avec L’Accroche Scénaristes et Prémisses

                                                   Au Comœdia – 18 Mars 2017

Scénario et Cinéma : De l’idée à l’écran

Intervenants :

Michel Fessler Scénariste

Jean-Pierre Améris Scénariste et Réalisateur

Marc Bonny (Gebeka films) Co-producteur/Distributeur/Exploitant

Alexandre Ferré Délégué Général Adjoint du Festival International

des Scénaristes de Valence

Modérateur :

Thibauld Dupérier Scénariste

Beau succès pour notre table ronde : 160 personnes étaient présentes, dont de nombreux étudiants en cinéma ! Les échanges ont mis en lumière l’implication du scénariste dans la conception du film en tant que créateur, mais aussi en tant que représentant du projet auprès du producteur et des instances de financement.

                                                                       Petit florilège des interventions :

Le premier jet  

Avant même de commencer d’écrire, il faut s’interroger sur l’intrigue, ressentir le lieu, les personnages, les enjeux. « Qu’est ce que je raconte ? Qu’est ce qui va pousser les gens à aller voir mon film ? » se demande Jean-Pierre Améris. Il a rédigé plus de quinze versions du scénario de son film Les Emotifs anonymes. Son inspiration prend source dans son expérience personnelle, ses rencontres, ses lectures.

Pour développer une histoire, il faut nourrir sa curiosité, se documenter sur un sujet, les personnages, le milieu. À partir d’une description précise de l’univers du film en phrases courtes, on doit convaincre le producteur qui a besoin d’une lecture efficace.

« Il faut vivre pour avoir quelque chose à raconter. Le travail, c’est d’aller dans tous les genres » déclare Michel Fessler qui conseille de lire des autobiographies, de se nourrir d’expériences humaines en tout genre.

Le choix du sujet est primordial. La structure dramatique du projet s’élabore dans un synopsis de 15 à 20 pages où sont décrits les personnages, leur psychologie, caractères, métiers, leur présent/passé/futur, leurs inter-relations. La construction du récit doit être solide avant d’introduire les dialogues. Mais selon Michel Fessler, « L’instinct compte beaucoup dans l’écrit à côté de la technique ».

Le scénariste et le réalisateur

Pour Jean-Pierre Améris, « Le scénariste doit entendre ce que veut dire le réalisateur et comprendre ce qu’il veut montrer ». Lui-même est incapable d’écrire seul. Il propose à son coscénariste de nombreux éléments mais c’est ensemble qu’ils avancent. Le scénariste doit savoir travailler avec les angoisses du metteur en scène sans penser au succès ou non ; cela demande une certaine alchimie entre les deux. Il aime travailler avec des scénaristes qui ont de vrais talents d’écrivains

Il arrive que le scénariste soit à l’origine du film. Ainsi, Michel Fessler a-t-il décidé d’adapter en français le roman, Man to Man, du romancier écossais, William Boyd. Par la suite, quatre personnes ont travaillé sur le scénario : le romancier, deux scénaristes, Michel Fessler et Fred Fougéa, et le réalisateur, Régis Varnier. Certains metteurs en scène aiment être aiguillonnés par des scénaristes confirmés pour avancer.

Cependant, chaque étape peut prendre plusieurs années et nombre de scénarios ne débouchent pas sur une réalisation.

Le scénariste et le producteur

C’est à nouveau une question de rencontres qui est à l’œuvre dans les échanges avec le producteur. Celui-ci est aussi un peu auteur car souvent, en dernier ressort, c’est lui qui fait les choix. Le réalisateur, le scénariste et le producteur doivent travailler ensemble dans une relation de confiance. De cette relation dépend le bon déroulement du film. Pour Jean-Pierre Améris c’est « une histoire d’affinités qui va créer des étincelles ».

Michel Fessler fait remarquer que les chaines de télévision et les producteurs – tel que Gaumont – ne lisent le scénario qu’une fois. Il faut donner d’emblée la bonne version. Le réalisateur apporte le point de vue, le scénariste doit amener la structure.

Marc Bonny (Gebeka Films) souligne que pour un film d’animation, les chartes graphiques et esthétiques doivent être aussi détaillées et développées que le scénario. Il précise que « vu les risques personnels et financiers qu’il prend, le producteur doit être convaincu par les résultats de la collaboration du réalisateur et du scénariste. Si le scénariste se bloque ou si le réalisateur n’a pas de vision claire, ne respecte pas ses intentions initiales, le projet ne peut pas marcher ». Il raconte que « pour Ma vie de Courgette, le scénario était bloqué. Je suis rentré dans le projet en tant que coproducteur et le producteur a eu l’idée de proposer Céline Sciamma comme coscénariste. Elle a tout de suite su comprendre le film, ce que le réalisateur voulait faire et cela a débloqué l’écriture ».

Ce système de coopération et d’entente est plus significatif aux Etats-Unis. La production choisit d’abord un ou plusieurs scénaristes renommés puis propose un réalisateur.

Formation et métier :

Pour Alexandre Ferré, « en France, tous les parcours sont possibles. Les scénaristes sont de plus en plus reconnus. Il faut aimer lire et raconter des histoires pour faire ce métier ». Différentes possibilités sont proposées aux apprentis scénaristes : Ils peuvent suivre une formation au CEEA (Conservatoire Européen d’Écriture Audiovisuelle) ou dans écoles de cinéma (FEMIS, ESRA, Ciné-Fabrique…).

Michel Fessler, lui, n’a pas suivi de formation. Il a appris son métier en regardant des films lorsqu’il était projectionniste. Il se sent plutôt comme un technicien du scénario.

Jean-Pierre Améris conseille : « Faites-vous confiance, écrivez tous les jours » Concernant le statut du scénariste, Alexandre Ferré fait remarquer la situation exceptionnelle de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui possède un Bureau des Auteurs. En revanche concernant les rémunérations, il note que « chez nous, le scénario représente seulement 4% du budget d’un film. C’est paradoxal dans un pays qui donne tant d’importance à l’écrit ».

Marc Bonny conclut sur la précarité de la profession, l’évolution de la reconnaissance du métier et de sa rémunération : « Peu de scénaristes vivent de ce métier. C’est à travers les sociétés d’auteurs qu’ils peuvent se faire entendre. Il faut aller vers un système de rémunération comportant une part fixe et une part proportionnelle ».