S’il trébuche par instants, Wonder Woman profite de ses idées fortes et de son amour pour ses personnages afin de s’élever dans le DC Extended Universe.
En enchaînant les échecs artistiques, le DC Extended Universe peine à vraiment rivaliser avec son concurrent Marvel, implanté depuis plusieurs années et sûr de sa démarche, même lorsque celle-ci consiste en une uniformisation de productions à laquelle Warner essaie de répondre, en vain, à travers des auteurs transformés en leurres sur des projets pas assez dégrossis et charcutés au couteau de boucher. Néanmoins, malgré la méfiance (le ras-le-bol ?) du public et de la critique, Wonder Woman suscite depuis sa sortie un engouement explicable pour deux raisons : la qualité indéniable (mais aussi relative) du métrage par rapport à ses prédécesseurs, suffisante pour rendre cléments des spectateurs habitués à manger de la bouse, et la place à part du film dans l’industrie hollywoodienne, blockbuster super-héroïque centré sur une femme et réalisé par une femme. Si cette évolution progressiste mérite bien sûr d’être soulignée, il est assez décevant que la nature de l’œuvre l’emporte sur le résultat final. Le choix de Patty Jenkins (réalisatrice de Monster) pour mener la barque n’est finalement qu’un leurre de plus, tant la cinéaste peine à imposer une patte pour simplement singer une esthétique snyderienne, qu’elle maîtrise avec plus ou moins de panache (on notera notamment un abus de slow-motion). De cette façon, Wonder Woman ne se démarque pas tant du moule DC, souffrant comme ses congénères d’un rythme en dents de scie, d’ellipses parfois gênantes et d’un climax surchargé de VFX dans un décor quelconque.
Difficile donc de comprendre la dithyrambe générale, aveuglée et amnésique au point de qualifier l’objet de « premier film de super-héros féminin », alors qu’il est beaucoup plus juste de le considérer comme le premier « bon » film de super-héros féminin (il est vrai que Catwoman et Elektra, ce n’était pas vraiment ça…). Car au final, malgré ses défauts évidents, Wonder Woman s’avère être un divertissement plutôt satisfaisant, tout simplement parce qu’il transpire d’un amour sincère pour son héroïne, liant fondamental à la cohérence de l’ensemble que de nombreuses productions du genre oublient. Alors qu’elle a toujours vécu sur l’île de Themyscira entourée d’Amazones, Diana sauve l’espion anglais Steve Trevor et décide de l’accompagner à Londres pour mettre un terme à la Première Guerre mondiale. Sans grande surprise, Patty Jenkins joue principalement avec le schéma traditionnel du « fish out of water », qui jouit de ce contexte historique rarement utilisé dans un blockbuster. Ce décalage est d’autant plus pertinent que la candeur de Diana, magnifiquement rendue par le jeu de Gal Gadot (qui porte le film sur ses épaules), fait face au conflit qui a changé à jamais la façon de penser la guerre au travers d’une course à un armement de plus en plus dévastateur, qui montre de facto que le monde n’a pas changé d’un iota entre celui qu’a connu l’Amazone et celui dans lequel elle vit aujourd’hui, à nos côtés. De plus, cette innocence, catalyseur d’un humour plus ou moins subtil, contraste avec l’horreur de la barbarie que le long-métrage ose effleurer dans une poignée de séquences surprenantes.
Et c’est en cela que Wonder Woman se met en abyme avec sa réalisatrice, beaucoup plus que par sa position rare dans un milieu majoritairement masculin : en dépit de leurs maladresses respectives, il est impossible de ne pas constater leur bonne foi, une bonne foi qui se traduit en premier lieu dans le film par le soin apporté aux arcs narratifs de personnages construits et intéressants, à l’exception des méchants, aussi fonctionnels que dans le Marvel le plus basique. Le scénario trouve son principal point d’équilibre dans la relation entre Diana et Steve (très bien campé par Chris Pine), développement d’un respect mutuel touchant, et non d’un rapport de force entre le sexes qu’aurait pu supposer la campagne marketing sur laquelle a reposé Warner. En effet, Wonder Woman étant une icône naturellement féministe, Patty Jenkins n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour défendre la cause que sous-tend son héroïne, et privilégie au contraire une équité bienvenue, ponctuée de quelques piques anti-machistes bien senties. Grâce à cette croyance dans l’humanisme et la sincérité de ses protagonistes, le métrage y puise ses meilleurs passages, notamment lorsqu’il doit aborder la tragédie d’une immortelle, observant impuissante la mort qui frappe ceux qui l’entourent. C’est peut-être la plus grande force de Wonder Woman que de croire dur comme fer à son concept, car il aurait été simple de rendre ridicule la vision d’une guerrière antique se battant au cœur d’un no man’s land. Il s’agit pourtant de l’image la plus marquante d’un film qui, malgré son caractère très imparfait, arrive à nous offrir la super-héroïne que nous avons attendu bien trop longtemps, et qui s’impose instantanément comme une figure primordiale sur lequel le DCEU devra compter. Et il en a bien besoin.
Réalisé par Patty Jenkins, avec Gal Gadot, Chris Pine, Danny Huston…
Sortie le 7 juin 2017.