I'm not your negro

I'm not your negroUn film bilan... Un film de penseur
Ce documentaire, aux qualités cinématographiques réelles, est une belle synthèse de l’histoire des luttes pour les droits civiques aux EU ; ce qui en fait un film indispensable et un film référence. Raoul Peck construit son film autour de ces 30 pages écrites par James Baldwin en 1979, ébauche d’un ouvrage qui ne verra jamais le jour. Son propos est construit autour de 3 figures phares de ce combat et qui périront toutes trois dans un attentat : Medgar Evers, Malcolm X, Martin Luther King. Ce beau texte précis et intelligent constitue le seul commentaire du film. Et la justesse de Peck est de s’écarter du destin de ces trois hommes maintes fois exploité pour se concentrer sur la condition noire (esclavage, abolitionnisme, lutte pour l’égalité des droits,…) et plus largement sur l’identité même de l’Amérique. Peck utilise dans son film aussi diverses images d’archives où l’on voie James Baldwin lui-même, tout en douceur et en élégance, étayer sa pensée bien peu simpliste, ni pessimiste ou même raciste comme ses détracteurs ont essayé de les travestir. Au bout de sa pensée, l’homme noir, le nègre, est une pure construction de l’homme blanc dans une Amérique blanche ne souhaitant pas partager le pouvoir. Et Baldwin de rappeler intelligemment à un de ses détracteurs que les Kennedy sont sur le sol américain que depuis 40 ans et arrivent au pouvoir suprême alors que certains de ses frères sont là depuis 400 ans. Combien de temps faudra-t-il encore attendre ? Ou encore ce prof de philo de Yale, pas le pékin moyen, qui minimise outrageusement la condition des noirs. Et encore le cynisme des entrepreneurs américains qui voient un marché de niche dans cette nouvelle classe moyenne nègre à exploiter. Le constat de Baldwin est tragique pour l’Amérique. Une société cynique, repliée sur elle-même, sans cœur, guidée par une consommation toute puissante et anesthésiante qui conduit à une végétation intellectuelle… En aparté, cette végétation intellectuelle fait aussi écho chez nous, aujourd’hui, avec une société du spectacle, du loisir et un individualisme galopant étouffant nos démocraties, fin de la parenthèse. Baldwin montre bien aussi comment l’homme blanc est devenu un colosse aux pieds d’argile en excluant les noirs. Il le résume ainsi : moi je vous connais alors que vous ne me connaissez pas ; la société est construite par les blancs, la télé, le cinéma,… Il prend comme exemple l’immature personnage récurrent joué par John Wayne en disant lui-même s’être cru blanc ; mais avoir compris son altérité avec les indiens et que sa place était à côté de celle des Indiens et non du blanc. L’absence de visibilité du noir dans les sphères de pouvoir a conduit à sa méconnaissance par les blancs et aux fantasmes les plus improbables.
Un film à revoir tant son contenu est riche et appelle à réfléchir sur l’humanité.Sorti en 2017Ma note: 16/20