De Robin Campillo
Avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel
Chronique : Robin Campillo avait fortement marqué les esprits avec son précédent film, Eastern Boy, délivrant des scènes clé d’une rare intensité (ce cambriolage…). 120 battements par minute est parcouru par la même puissance formelle, tout en confirmant une cohérence dans la narration jamais mise en défaut. L’intelligence dans la construction du récit évite tout temps morts, permet d’alterner envolées lyriques contenues (mais terrassantes) et considérations plus triviales lorsqu’il s’agit de raconter l’action d’Act Up.
Car 120 BPM est porté par un sujet à la fois profondément militant et en même temps hautement romanesque. Une grande histoire de lutte et de combat, rageuse, précieuse, de celles qui changent le monde, mais aussi une histoire à hauteur d’hommes, traversée par la peur, l’effroi, l’espoir et la colère. Et l’amour.
Campillo trouve un équilibre miraculeux entre la photographie quasi-documentaire de l’activisme d’Act up et les destins personnels et tragiques de ses membres. La manière dont l’histoire d’amour s’immisce subrepticement dans le grand récit est un modèle de subtilité et de clairvoyance. Il donne corps à un propos qui pourrait être didactique. Mais l’incarnation du combat par de jeunes acteurs tous formidables est exemplaire et innerve le film d’une vitalité électrisante.
La mise en scène viscérale mais jamais ostentatoire de Campillo permet de capter l’essence et l’énergie d’un groupe en mouvement, de l’excitation et l’euphorie des combats menés collectivement, aux inévitables divergences de points de vue et luttes intestines. Le réalisateur excelle dans les scènes d’ensemble, que ce soit lors des AGs de l’association, ou des actions qu’elle mènera dans la rue ou dans les bureaux d’un laboratoire. Son remarquable sens du climax, déjà frappant dans Eastern Boys, s’y exprime pleinement, que ce soit dans l’utilisation de la musique ou dans la manière toujours très pertinente dont il filme ses personnages, n’hésitant pas à rester longuement sur le visage d’un acteur alors que le chaos règne autour de lui. Mais si le talent du réalisateur s’exprime pleinement lors des scènes chorales, il est tout aussi convaincant dans la façon dont il aborde les scènes plus intimes, filmant le sexe avec une infinie pudeur, souvent couplées avec des passages de lutte, comme pour ne jamais totalement séparer les deux. Car toujours la mort menace, car toujours le temps presse.
120 battements par minute pourrait s’imaginer comme l’héritier français de grandes œuvres américaines sur l’émergence du SIDA, (Harvey Milk, la pièce Angels in America ou plus récemment la série When We Rise). Mais il a sa propre singularité, celle du quotidien d’un mouvement mu par la colère et l’urgence. Un mouvement dont l’action parfois radicale a permis de donner une visibilité à ceux que la société refusait de voir. Et de sauver des vies.
Robin Campillo lui rend un hommage vibrant, vivant et bouleversant. La colère est toujours là, mais elle est paradoxalement apaisée. 120 battements par minute est tout aussi militant que romanesque et véhicule l’idée forte que le combat n’est jamais terminé. Et ceci dans un geste de cinéma aussi beau que poignant.
Synopsis : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale.
Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.