L’un des fleurons du comics indépendant a le droit à une sortie événement grâce aux éditions Delcourt. En effet le culte Strangers in Paradise de Terry Moore a le droit à une édition intégrale qui va peser lourd sur les étagères des bibliothèques.
Terry Moore est un auteur un peu à part dans le monde des comics. Si il a collaborer de temps en temps avec les big two, ce sont finalement des prestations assez marginales dans sa carrière qui a décollé surtout dans le comics indépendant bien avant que ceux-ci ne prennent leur essor puisque le bougre s’y est pris dès les années 90. En effet, l’auteur qui a récemment sorti Echo puis Rachel Rising dans des styles très différents était déjà à l’origine depuis 1993 d’une longue saga intitulée Strangers in Paradise.
Et Delcourt qui a édité les travaux les plus récents de l’auteur devait bien rendre juste à ce travail passé. Ce sont donc 3 énormes de tome de 600 pages qui vont être édités pour raconter les aventures de Francine, Katchoo et David. Et le premier tome vient de sortir. Une lecture parfaite pour occuper l’été et replonger dans l’état d’esprit de ce comics qui dénotait déjà à l’époque, et toujours aujourd’hui. Car il faut bien se remettre en tête qu’en 93, Image venait de se former et imposait par ses auteurs un style graphique particulier qui marquera toute la décennie à base de femmes plantureuses, de héros bodybuildés et de gros flingues, oubliant toute fantaisie et subtilité.
Avec Strangers in Paradise, Terry Moore en prenait donc le total contre-pied, en s’intéressant à des personnages complexes, dans une bd en noir et blanc, sans grands actes héroïques. Ici, Katchoo est une jeune femme qui n’aime plus les hommes après avoir eu une jeunesse difficile. David, au passé non moins compliqué, craque pour elle, mais c’est Francine qu’elle aime. Francine qui de son côté multiplie les peines de coeur, prend des kilos après chaque déception amoureuse et va peut-être finir par tomber dans les bras de sa meilleure amie.
Ici, tout tient par ces personnages profondément humains avec leurs failles révélées au grand jour, et un triangle sentimental digne d’un bon vieux soap opéra mais abordé avec une modernité bienvenue dans les rapports homme-femme ou femme-femme. Car dans Strangers in Paradise, il n’y a pas à dire, ce sont bien les femmes qui ont le pouvoir et le premier rôle, une vision presque inédite à l’époque dans ce style et qui résonne encore aujourd’hui. Et cela fait du bien de voir un titre aborder la féminité et le féminisme en même temps et sans gros sabots.
Mais il n’y a pas que le soap et les bons sentiments qui comptent dans Strangers in Paradise car les destins des personnages sont mêlés à de sombres histoires de roman noir. Mafia, manipulations et face cachée de la politique avec de méchants sbires, de gros complots, des mallettes d’argent et des révélations sur le passé de certains personnages sont aussi au programme. Cela apporte alors un aspect plus sombre au titre mais se marie étrangement bien avec l’humour cartoony et les références pop qui traînent, donnant alors vraiment aux comics un ton unique, une identité forte et cohérente dans laquelle on aime plonger.
Ce sont bien tous ces éléments qui rendent Strangers in Paradise intéressant et aussi profondément attachant et qui a permis au fil des années à Terry Moore de se créer une réputation flatteuse autant qu’une base de fans solide. Il ne nous reste donc ensuite plus qu’à découvrir les 2 prochains pavés pour bien s’occuper !