Une virée survoltée, menée sur un tempo d’enfer par le prodige Edgar Wright.
Après cinq ans d’absence et la mésaventure Ant-Man, Edgar Wright revient aux affaires sur les chapeaux de roue. Grand amoureux de cinéma de genre, le réalisateur se réapproprie de film en film des figures qui peuplent un imaginaire cinéphile bien particulier. Les zombies de Shaun of the dead, les policiers de Hot Fuzz, les super-héros de Scott Pilgrim et les extraterrestres du Dernier pub avant la fin du monde, proviennent d’une culture aussi généreuse qu’ouvertement geek. Avec Baby Driver, Wright s’attaque au film de braquage, avec un mélange de déférence et d’irrévérence pour le genre, qui fonde une fois encore toute la singularité de son style. Pourtant, l’intrigue n’a rien de révolutionnaire de prime abord. Un chauffeur de braqueurs de banque, nommé Baby, aspire à une nouvelle vie. Alors qu’il rencontre la fille de ses rêves, il nourrit l’espoir de pouvoir fuir avec elle. Seulement, le grand patron du crime qui l’emploie ne l’entend pas de cette façon.
C’est sur ces bases somme toute très classiques que le cinéaste parvient à signer une oeuvre trépidante et inventive. La raison principale de cette formidable réussite tient à l’usage de la musique, celle-là même qu’écoute le héros via ses écouteurs pour conduire ou couvrir son problème d’acouphène. Au lieu de noyer le film, la bande-son valorise chaque intention de mise en scène, rythme le découpage de l’action et caractérise à elle seule le monde de Baby, sorte de bulle soul et funk, soumise à plusieurs humeurs. A ce titre, s’il lui arrive de broyer du noir, le héros ne perd jamais une occasion pour chanter ses morceaux préférés en play-back, en dansant dans les rues ou à l’intérieur de son appartement tel un artiste de music-hall. Une joie de vivre qui tranche radicalement avec le profil habituel de ce type de personnages. Ansel Elgort est étonnant dans la peau du chauffeur mélomane et fait preuve d’un talent évident pour la comédie, en privilégiant le langage corporel.
Les scènes de course-poursuite et de cascade sont à couper le souffle. Wright ne s’autorise aucune facilité et icônise chaque manoeuvre de Baby à la faveur de plans extrêmement sophistiqués, la plupart du temps en mouvement, afin de restituer au mieux la sensation de vitesse. Là encore, le cinéaste s’affranchit d’un filmage conventionnel en s’attardant sur le moindre petit détail, créant une intensité à partir d’une succession de cadres semblables à des cases de bande-dessinée. Un principe esthétique que l’on retrouvait déjà dans ses précédents films, et qui s’articule autour d’une utilisation rigoureuse des couleurs, comme en atteste une scène dans une laverie. Cette maîtrise de l’image sert surtout les relations entre personnages, qu’elles soient tendres ou virulentes. L’ensemble du casting qui entoure Elgort est impérial, Kevin Spacey en grand patron du crime prend un malin plaisir à se fondre dans l’univers de Wright, à l’instar de Jamie Foxx et Jon Hamm en gangsters brutes de décoffrage. Lily James en « love interest » tire aussi son épingle du jeu.
D’une densité incroyable, Baby Driver démarre au quart de tour et ne décélère ensuite que pour laisser le spectateur reprendre ses esprits. En ces temps d’épure et de minimalisme souverains, il est toujours appréciable d’assister à un spectacle aussi riche, dynamique et coloré. Wright continue ainsi de tracer une voie royale et reconnaissable entre mille dans le paysage cinématographique actuel.
Réalisé par Edgar Wright, avec Ansel Elgort, Kevin Spacey, Lily James, Jamie Foxx, Jon Hamm…
Sortie le 19 Juillet 2017.