Entretien réalisé par Manon Franken et Ilan Arfi. Transcription par Venn, traduction et rédaction par Manon.

Transfiguration raconte l'histoire de Milo, un adolescent solitaire et réservé dans une banlieue pauvre de New-York avec son frère, ancien membre d'un gang. Fasciné par les vampires, Milo s'adonne même à des actes de vampirisme. Il rencontre Sophie, une fille de son âge au passé dramatique et entame une timide relation amoureuse avec, en lui cachant son secret inavouable.

Le film est passé par Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs, avant de rejoindre l'Etrange Festival 2016, là où nous avons eu l'occasion de rencontrer son réalisateur, Michael O'Shea. On s'excuse pour notre anglais approximatif, il rigole " c'est bon, moi mon français est inexistant ". Il a les cheveux en bataille, dans un look que renierait pas Tim Burton et s'avère très sympathique, très enthousiaste à l'idée de parler de son film. Il faut dire que c'est son premier long-métrage, après des années à vivre d'un travail davantage " conventionnel " que celui de réalisateur, même s'il nous explique avoir fait des études de cinéma. C'est quelqu'un de très cultivé, qui nous cite par ailleurs un bon nombre d'œuvres, souvent suivi de petits arguments ou d'un avis personnel.

Nous abordons naturellement la question de la production, en lui demandant comment s'est déroulée cette dernière, ce à quoi il nous répond : " précipitée ". Tout s'est enchaîné très vite, ils tournaient entre 3 et 5 scènes par jour, dans différents coins de New-York, avec une petite équipe, pour plus de mobilité. " Le tournage était très stressant et difficile mais c'est aussi probablement la chose la plus heureuse que j'ai pu faire dans ma vie. J'ai toujours voulu faire un film et j'en faisais un. J'étais tellement fatigué, exténué, je dormais deux heures par nuit mais les gens me disaient que j'avais l'air heureux. Et je l'étais parce que je faisais un film et que je savais à quel point c'était quelque chose de dur. ".

Il n'a pas tiré d'inspiration particulière des productions sur les sujets des vampires très à la mode ces derniers temps et il confie que c'est une tendance qui l'a même inquiété, " j'avais peur que ce soit plus difficile d'obtenir des financements parce que True Blood et Twilight ont été extrêmement populaires puis la mode s'est essoufflée, j'avais peur que l'on juge le projet comme étant démodé, que l'on me dise que c'était maintenant les loup-garous qui étaient à la mode ". Néanmoins, sa vision des vampires n'a pas grand rapport avec les productions romantiques pour adolescentes. Il explique avoir écrit le film lors de l'apogée des histoires de vampire, en guise de réponse à cette apogée mais que c'était une idée qui lui trottait dans la tête depuis 20 ans. Notons également que ces intentions différentes dans le traitement du vampire ne l'ont cependant pas empêché de placer une petite référence à True Blood.

Au niveau de ses inspirations, en dehors des vampires, il cite Gaspar Noé et Lars von Trier, " ces gars sont mes héros ". En terme de vampires, il s'oriente plutôt vers Martin (de George A. Romero), Near Dark (Aux Frontières de l'aube, de Kathryn Bigelow), Let the Right One In (Morse, de Tomas Alfredson) et Shadow of a vampire (L'Ombre du vampire, de E. Elias Merhige). Il confie, au sujet de ce dernier " le gars qui l'a fait était dans le même lycée que moi, c'est marrant. J'aime aussi The Hunger (Les Prédateurs), il est trop beau et trop stylisé pour moi mais j'aime ce film. " Sa thématique favorite sur le mythe du vampire est celle de l'immortalité. C'est l'occasion d'élargir la question sur ce que peuvent symboliser ces créatures, selon les époques : " avant, les vampires étaient des créatures dégoutantes, monstrueuses. Je pense qu'elles nous apprenaient que la mort était naturelle et que si tu ne mourrais pas, tu devenais un monstre. Puis les vampires sont devenus depuis sexy parce qu'on ne voulait soudainement plus apprendre que nous allions tous mourir. Nous voulions voir quelque chose sur lequel nous projetions le souhait de ne pas mourir. C'est pourquoi les vampires sont devenus des gentils héros sexy et torturés. Je pense que c'est parce que nous ne voulons plus songer à notre propre mort. Nous voulons être immortels mais sans être une créature monstrueuse, nous préférons l'idée d'une chose merveilleuse et romantique dans la notion de l'immortalité. C'est le thème qui m'intéresse le plus dans la conception du vampire. "

Michael O'Shea nous décrit ensuite la violence du film comme étant une violence réaliste.

ATTENTION : La suite de l'entretien révèle une scène du film ainsi que son dénouement.

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Lors d'une scène, un jeune blanc demande à un groupe de jeunes noirs où est-ce qu'il peut trouver de la drogue, ce que les jeunes noirs n'apprécient pas. Comme, par malchance, il s'agissait des caïds du quartier, ils décident donc de lui tendre un guet-apens pour se venger de son offense raciste. Le réalisateur revient de lui-même sur cette scène " d'un côté comme ce qu'il a fait était vraiment offensant, tu ne te sens pas trop mal pour lui ". Et il continue sur la curiosité quant au sort réservé aux victimes dans les films d'horreur : " tu as une sorte d'envie de voir comment est-ce que les gens meurent. Et tu es là pour ça. C'est intéressant de voir comment est-ce que les films d'horreur nous manipulent. Est-ce que tu es content de voir Jason tuer les personnages dans Vendredi 13 ? Est-ce que tu es content ou énervé de voir Mike se faire tuer ? Il était intéressant de mettre l'idée de la violence d'origine fantastique à côté d'une violence de tous les jours, une violence qui peut arriver avec un adolescent stupide et une arme. Aux USA, on a des gens stupides et des armes de partout. Tout le monde a une arme, c'est un problème. "

La mort de Milo était un élément prévu dès le début de la conception de l'histoire. Michael O'Shea avait beaucoup réfléchi et il était important pour lui qu'il meurt, que l'on sache qu'il était mort et qu'il ne reviendrait pas à la vie. " je voulais montrer qu'il était vraiment mort, que ses mains n'allaient jamais bouger, que ses yeux n'allaient jamais s'ouvrir. C'est en référence aux films d'horreur dans lesquels le monstre se redresse finalement, à nouveau vivant. Dans mon film, le monstre meurt, tu n'as qu'à regarder ce sort inévitable. C'est ce que je voulais faire depuis le début. "

Michael O'Shea accepte de décrire le personnage comme étant un sociopathe. " Milo est un jeune homme qui devient un serial killer. Il est obsédé par les vampires et il devient un vampire mais il comprend aussi ce qu'il fait et commence à vouloir arrêter ". Il insiste sur l'aspect " ni blanc ni noir " du caractère du personnage comme de chaque être.

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