Pourquoi ? Pourquoi les festivals s'évertuent à récompenser ce qu'il y a de pire dans le cinéma d'auteur. Vous savez ? Ce cinéma sans consistance, sans réelle profondeur camouflée par un semblant de neutralité réaliste, empilant une par une les scènes chocs dans l'espoir de ressembler à un maître dogmatique ayant pour le coup une véritable intelligence, celle de Michael Haneke. Pour parler de ce fléau, attardons-nous sur la sortie de la nouvelle punition de Michel Franco : Les Filles d'Avril ou une descente aux enfers où Juno aurait rencontré le monde de Festen.
Victoria a 17 ans, vit au Mexique avec sa soeur dans une maison au bord de la plage, a un petit ami et va bientôt accoucher d'un enfant. Faute d'argent, elle est dans la nécessité absolue de faire revenir Abril, mère mystérieuse vampirisant le quotidien de ses enfants à un point n'ayant plus aucune limite.
Si ce synopsis vous met déjà dans un état malheureux, ce n'est rien face au dispositif répulsif laissé par Franco, ne relâchant jamais son ascension vers le malaise. A travers une caméra faussement neutre, à comprendre que son image sèche et aride laisse volontairement une sensation de malaise palpable face à des personnages dont l'écriture si risible condamne immédiatement leurs attitudes. Comment peut-on réagir autrement que du mépris face au comportement vénale d'une mère prête à tout pour parvenir à ses fins quitte à faire du mal à ses propres enfants ? Plus le personnage de cette mère-fatale jouée par Emile Sùarez s'enfonce dans un tourbillon de chaos familiale, plus le film de Franco s'empêtre dans une complaisance crasse et vidée de tout formalisme.
Bien sûr, il y a des fioritures qui nous évadent de ces conditions ordinaires de ce cinéma. Par exemple, le dernier film d'Amat Escalante, La Region Sauvage, réussit parfaitement à jongler entre ce type de cinéma clinique et un cinéma plus onirique partant plus de l'inspiration Zulawski avec ses tentacules sexuelles que des plans-fixes Hanekeniennes.
Mais ce qu'il y a de plus agaçant dans ce type de cinéma est de voir à quel point il est si rapide de voir ces projets tombés dans la facilité alors qu'ils auraient probablement mérité plus de développement et de nuances. On aurait pu y voir dans Les Filles d'Avril, un pendant plus oppressant de Julieta, autre film où brille la formidable Emile Suarez. Une histoire de mère-dominatrice brisée par des névroses la dépassant complètement, elle et le reste de sa famille. Au lieu de ça, nous avons un prototype de film-choc provoquant plus l'exaspération que d'autres émotions.
Si Les Filles d'Avril reste plus soft néanmoinsque les plans-fixes nauséabonds de Chronic où s'entre-mêlaient euthanasie et vomi soudain, il procure constamment cette frustration de voir ce qui aurait pu être un sublime mélodrame n'être au final qu'un film si facile qu'il en provoque des rires nerveux.
Victor Van De Kadsye