La structure de l’histoire

Nous avons abordé précédemment le concept de question dramatique à l’origine de l’intrigue. Mettre en place une question dramatique, c’est comme créer un moule qui sera tout empli d’une intrigue.

Ce moule somme toute est une forme et quelle que soit la complexité chaotique que peut emprunter cette forme, elle n’en possède pas moins une structure. On peut même considérer que l’intrigue doit être structurée…
Puisqu’une intrigue décrit une série d’événements qui ne sont pas aléatoires et qui sont conçus pour répondre à une question dramatique centrale qui peut se formuler comme :
Est-ce que le héros réussira ? par exemple.
Ces événements sont ordonnés. Cet ordre est la structure. Et la structure la plus évidente est qu’une histoire a un début, un milieu et une fin. Ce découpage en sections permet de raconter une histoire.

Le début

Le début se caractérise par trois choses :

  1. In media res
    Le lecteur est immédiatement plongé au cœur de l’action.
  2. Il doit fournir au lecteur l’information nécessaire sur le monde et les personnages pour lui permettre d’entrer dans l’histoire.
  3. Il doit établir la question dramatique majeure.

L’histoire doit commencer au bon moment c’est-à-dire lorsque quelque chose d’inhabituel se produit. Il faut décrire le quotidien du héros et c’est important parce que cet ordinaire ne rend pas le héros heureux.
Mais cette illustration du monde ordinaire du héros doit débuter lorsqu’il se passe quelque chose d’inaccoutumé. Par exemple, le héros s’apprête à faire le tour du monde et on le voit s’affairer à préparer son sac à dos. Et cette maison qu’il est sur le point de quitter sans faire de bruit est la représentation de ce quotidien qu’il fuit.

Un autre exemple. Votre héroïne comme tous les jours fait le tour du parc pour la promenade quotidienne de son chien. Aujourd’hui cependant (peut-être par lassitude), elle décide d’emprunter un autre sentier. Et il se produit alors une rencontre qu’elle n’aurait jamais faite si elle n’avait pas changé quelque peu ses habitudes.
Montrer les habitudes d’un personnage est ennuyeux. Cela n’a pas de signification dans l’histoire. Une légère entorse au train-train, à l’usage ou à la tradition et l’attention du lecteur est immédiatement captée.

Et cela tout en illustrant ce train-train ou les mœurs qui serviront de toile de fond à ce premier acte (le début de l’histoire). Quelque chose de différent pour le héros doit se produire mais ce n’est pas encore l’incident déclencheur.
Dans l’exemple de la rencontre, ce quelque chose de différent est la décision soudaine du héros d’emprunter un autre sentier contrairement à ses habitudes. Cela amène la rencontre qui sera l’élément déclencheur qui viendra véritablement bouleverser l’équilibre apparent de la vie du héros.

Et c’est au moment de cette décision que l’histoire doit commencer. Ce choix ajoute aussi de la signification en éclairant l’état psychologique du personnage qui, inconsciemment peut-être, cherche à faire autre chose de sa vie.

De l’information

A ce point de l’histoire, le lecteur ne peut comprendre vraiment ce qu’il se passe. Parce qu’il lui manque encore trop d’informations. Il y a un événement, un personnage réagit à cet événement mais pourquoi ?

C’est là qu’intervient l’exposition. Il faut fournir au lecteur suffisamment d’information pour qu’il puisse saisir quelques rudiments afin de lui permettre d’élaborer quelques raisonnements, quelques explications sur ce qu’il lui est montré.
Par exemple, l’héroïne se promène à l’accoutumée en suivant un chemin. Elle passe une croisée des chemins, fait quelques pas et soudain, elle s’arrête retenant son chien. Un court moment puis elle s’engage délibérément sur la gauche. De plus, il est possible de voir dans cette scène un aspect symbolique sur la croisée des chemins justement. Elle vient de faire un choix.

Inutile de s’étendre longuement. Il suffit de fournir des indices. Le lecteur n’a pas besoin de tout connaître immédiatement. Un visage sans expression, le chien qui ne tire pas sur sa laisse suffisent pour démontrer que l’ennui embrume l’héroïne.
Et puis fournir trop d’informations risque de perdre le lecteur dont le plaisir est justement d’élaborer par lui-même des explications possibles avec les éléments qui lui sont donnés. Il faut solliciter le travail intellectuel du lecteur. D’autant plus que certaines informations ne seront pas du tout pertinentes avec le moment de l’histoire.

L’information doit être relative à l’action au moment où celle-ci se produit. Elle doit être utile. La quantité d’information à fournir à un moment précis est dépendante de sa pertinence avec l’action en cours.
On aurait pu décrire plusieurs scènes consécutives montrant notre héroïne prenant chaque jour le même chemin dans le même parc. Cela nous aurait peut-être permis de faire sentir au lecteur, en sollicitant son intuition, que nous avons une héroïne qui est sur le point de s’abandonner à sa propre inertie.

C’est cependant une vérité qui arrive trop tôt dans l’histoire. Et, par ailleurs, nous l’offrons toute mâchée au lecteur. Et puis, nous avons aussi une série de scènes qui ralentissent le mouvement, qui n’apportent aucun conflit.
Cette décision qu’elle prend à cette croisée des chemins et dès le début de l’histoire expose un conflit. Un conflit personnel avec elle-même.

La question dramatique

C’est par l’exposition de ce conflit, par le peu d’information qui est fournie que la question dramatique commence à poindre. Entre les signes qui sont illustrés et la signification que croit y percevoir le lecteur s’élève alors les contours d’une question :
Est-ce que l’héroïne parviendra-t-elle à sortir de son ennui ?
Par ailleurs, ce sera aussi l’objectif de ce personnage principal. Car la question dramatique centrale est liée à l’objectif du héros.

Le début d’une histoire doit être relativement économe. Car le lecteur a hâte d’être plongé dans l’intrigue. C’est-à-dire le milieu de l’histoire.

Le milieu

L’intrigue c’est-à-dire l’acte deux est ce qui occupe le plus de place dans une histoire. Elle ajoute à l’exposition des personnages en continuant à révéler des choses sur eux.
C’est là où les choses significatives se produisent.

Le personnage principal a un objectif. Pour l’atteindre, ce ne sera pas facile parce que son itinéraire vers ce désir sera entravé par des obstacles de plus en plus intimidants.
Si nous prenons par exemple un présentateur de TV célèbre. Il veut tester sa notoriété en direct en demandant aux quelques millions de téléspectateurs de voter pour lui (quelle que soit la raison soudaine de cette démarche).

Le problème est qu’il est trop imbu de lui-même et cette confiance excessive en soi qui est sa faiblesse va se retourner contre lui. Les téléspectateurs ne voteront pas pour lui. Ils ne le suivront pas.
C’est un obstacle qu’il n’a pas surmonté mais dont il devra apprendre. Parce que son objectif inconscient est d’ouvrir les yeux sur une réalité que le système, dans lequel il est pris au piège, a occultée quant à sa véritable nature.

L’intrigue, ce sont des événements liés qui construisent de la tension dramatique jusqu’au moment où le personnage principal connaîtra une crise majeure. Ces événements ne sont pas posés là par hasard. Un monde fictionnel est essentiellement l’expression d’un principe de causalité.
Les choses se produisent en conséquence des actions des personnages et ces actions sont en réponse aux choses qui se produisent. Il ne s’agit pas d’empiler les événements dans un ordre quelque peu arbitraire mais de créer une chaine d’événements intimement liés entre eux. Chaque événement est lié à un événement antérieur.

La fin

Ce sera probablement le moment le plus court de l’histoire. La fin ne s’étend généralement pas longtemps sur le dénouement. Elle ne cherche pas vraiment à montrer toutes les ramifications possibles de ce qui s’est passé au cours de l’intrigue.

Le dénouement est cependant le lieu où tout s’assemble. On peut considérer que le dénouement de l’histoire commence avec la crise majeure que connaît le personnage principal comme conséquence de ses tribulations au cours de l’intrigue.
Lorsqu’il sort de cette crise (qui lui permet de se ressourcer), le héros entame le climax (l’ultime confrontation avec son antagonisme) et s’ensuivent les conséquences de ce climax (qui sont alors l’expression du message de l’auteur).

La crise que connaît le héros est le moment dramatique où la tension est la plus forte et le climax répond à la question dramatique. Cette question est vraiment importante dans une œuvre de fiction.
Elle porte principalement sur la capacité du personnage à changer. S’il réussit à ouvrir les yeux sur sa réalité, il sera effectivement devenu quelqu’un d’autre, quelqu’un de meilleur. C’est cela la véritable réponse dramatique.

Un dénouement peut être émotionnellement effectif chez le lecteur. Il s’agit de savoir comment mettre en scène la façon dont le personnage principal ne se sent plus pris au piège en lui-même. Encore une fois, il ne faut pas mâcher le travail du lecteur. Les conséquences de ce dénouement doivent être envisagées davantage dans la tête du lecteur que sur le papier.