A SCANNER DARKLYde Richard Linklater
"A Scanner Darkly" est l'adaptation d'un roman de Philip K. Dick qui en français s'appelle "Substance Mort" et en anglais... A Scanner Darkly. Et rien que pour cela, ça devrait attirer toute votre attention. Dans une société pas si éloignée de la notre, mais qui se rapproche toujours un peu plus d'une dystopie. Un homme, un policier en infiltration, se débat avec une drogue, la substance M.Si cette histoire se passe en Californie, la société ou il évolue diffère sur certains points de la notre le plus souvent sur des détails, des réglementations ou des outils. L'histoire bouge doucement les lignes sans pour autant tout bouleverser. Par exemple les policiers ne se connaissent pas.Il passent leurs journées avec des « scramble suit » une espèce de combinaison extrêmement difficile à décrire. C'est donc une combinaison intégrale qu'ils enfilent sur leurs habits ou se projettent des images de personnes, jamais dans leurs intégralité. La moitié d'un visage de l'une accolé à celle de l'autre... et qui «switch» tout le temps. Autre particularité, même leurs voix sont changées. Pour enfiler ses tenues et les ôter il y a un système de vestiaire élaboré. Jamais ils ne se croisent. Et si dans leurs vies de tous les jours ils sont amenés à le faire. Il serait impossible pour eux de se reconnaître.Au rayon des drogues, on retrouve la cocaïne, l'herbe, mais aussi des petites pilules rouge, la substance M. Sa particularité est que l’accoutumance et la surdose provoque une désynchronisation des hémisphères du cerveau; et une foule de maladie mentale.Ou est notre policier dans tout ça? il se perd! Il est a visage découvert avec les toxicomanes qu'il héberge chez lui et qui sont ses amis. Il sort avec une accro à la cocaïne. Mais il est caché quand il est avec ses collègues lorsqu'il débriefe avec son supérieure. En résumé il est un policier, mais c'est aussi un dealer, et un drogué. Et comble de l'exercice on lui confie la mission de se surveiller lui même. Il est coincé dans un cercle vicieux. Comment le réalisateur raconte t-il tout cela? Il prend un casting qui fait rêver, et fait un film en vingt six jours. Puis il le rotoscope. À l'origine la rotoscopie consiste à prendre une image et à en dessiner les contours et les visages. Si Linklater avait déjà utilisé cette technique sur un de ses films précédents pour lequel l'un de ses amis avait créé un logiciel permettant de le faire avec une dose de photoshoot et de freezing. Ici il a préféré une approche plus artisanale, chaque image a été redessinée et une minute de film représente cinq cents heures de travail.Cet univers que je ne saurai pas bien qualifier avec à la fois des jeux d'acteurs très efficaces et des images toutes travaillées avec ce procédé, permet de raconter l'histoire de cet homme fred/bob. Il créé un paysage légèrement étiré. Accentuant quand il le faut la sensation de vertige ou de désorientation. Ça casse le rythme de la narration et laisse le spectateur dans le même inconfort que nos personnages. Sans trop en dévoiler à force de consommer de la substance M , il devient accro. Cette manière de filmer permet d'intégrer tous les symptômes, et nous permet de voir les moment ou il est confronté à du morphisme ou à de l'onirisme en passant par la perte de son identité (n'étant pas sure d’être marié ni sure d’ avoir des enfants). Je vous parlais plus haut des petites choses que créaient le réalisateur et le romancier pour enrichir notre univers et ajouter du réalisme à l'histoire. La rotoscopie permet de donner vie à une foule d'outils et de les rendre crédibles. C'est le deuxième film que je vois, à quelques semaines d’intervalles, inspiré d'un roman de Philip K.Dick. Et je suis toujours aussi fascinée par les petits objets qui sont créés, ils ont souvent un coté steampunk plaisant. Ici, on le retrouve au niveau de l'appareillage médical avec lequel on surveille la santé de Fred , mais aussi au niveau des systèmes de surveillance que ce soit celui de la police ou celui bricolé par James, même le scramble suit n'aurait pas été crédible sans un coup de pouce technique. Toutes ces petites choses qui font un tout. Si la rotoscopie rend l'histoire crédible, le scénario la rend lisible. Car l'histoire est complexe et cruelle. Mais la manière dont elle est racontée, permet de garder de la légèreté. On voit la déchéance de cet homme que la schizophrénie gagne. On est témoin de son combat pour se raccrocher à la vie . Il est bouleversant quand il récite un épitre ou quand il se perd dans les méandres de son cerveau. Cet homme est émouvant alors que tout le reste autour de lui nous amène à sourire. Un mélange qui ne laisse pas le spectateur indifférent.Pour servir cette histoire, le casting est luxueux Keanu Reeves tient le rôle de Fred/bob. Il est touchant et expressif. Il passe d'une facette à l'autre avec aisance et sans que son interprétation vacille. Les moments ou il revêt le scramble suit sont l'occasion de scènes face caméra particulièrement fortes et dépouillées.Ces colocataires sont interprétés par Robert Downey Jr et Woody Harrelson. Ils ont des interprétations survitaminées. Le jeu très maniéré du premier sied parfaitement à l'exercice. Il lui donne un coté cartoonesque, hors sol. Puis quand Woody Harrelson joue le fou. Je jubile. Il est parfait je me suis délectée de chacune des minutes ou il était présent à l'écran. Rory Cochrane m'a fascinée lors de la première scène du film. Il est très bonLa fille est Winona Ryder qui gagne en épaisseur avec ce process.Ce film n'est pas qu'une jolie chose et une histoire bien menée. Il est aussi porteur de message et de réflexions sur le monde qui nous entoure. Le réalisateur met ses pas dans les pas de l'écrivain. Il décide de reprendre, à la fin de film la postface du livre mot pour mot. Une dédicace bouleversante qui nous questionne sur l'usage de drogues. Et sur notre société qui créée des drogues qui tue ou aliène ses enfants. Enfants qu'on condamne , qu'on envoie dans des lieux mi hôpital-mi prison.Elle nous interroge aussi sur la notion de sacrifice humain «pour le bien de tous». Sacrifices qui sont le fruit de manipulation et culpabilisationMais au final vient le sujet de ceux qui produisent ces substances sachant qu'ici ces mécanismes sont poussés à leurs maximums.Ce film est une surprise de par sa forme soignée et cet aspect si différent. Mais ce n'est pas que ça. Son discours et sa post face m'ont laissée avec la chaire de poule fixant un écran noir. Il fait, sans aucun doute, parti des films préférés que j'ai découvert cette année.