Comédie & thriller combinés (2)

Par William Potillion @scenarmag

Nous avons vu précédemment quelques fondamentaux pour notre étude sur l’hybridation possible de deux genres apparemment incompatibles : la comédie et le thriller.

Nous avons commencé par poser la prémisse et le pitch d’un thriller. Ensuite, nous avons distingué quatre principes que nous pouvons appliquer à toutes fictions et que nous tenterons de respecter. Et nous avons pointé quelques conventions indispensables à la comédie.

La difficulté majeure à contourner dans la combinaison du thriller et de la comédie est qu’il faut établir un environnement propice à la comédie tout en respectant les conventions du thriller. Et sans que ce mélange des genres ne nuisent à l’un comme à l’autre.
Continuons de nous remémorer les fondamentaux sur lesquels s’étaiera notre réflexion. Une histoire, c’est un point de départ et un point d’arrivée.
Entre ces deux points, on reconnaît classiquement plusieurs étapes (selon les théoriciens). Considérons alors (et arbitrairement) 7 points structurels.

7 étapes majeures
La mise en place

Le personnage principal et son monde sont introduits. Il y est décrit où il vit et ce qu’il fait. Il apparaîtra aussi lors de cette mise en place son besoin et son désir.
Le désir est son objectif, c’est-à-dire la résolution de son problème dans l’histoire. Par contre, le besoin est  interne. Dans ce monde ordinaire du héros, il n’est pas heureux. Il lui manque quelque chose pour véritablement s’accomplir.
C’est ce que son aventure lui permettra.

L’incident déclencheur

Cet événement spécifique qui peut être dû au hasard décrit la réponse du protagoniste à une sorte de défi qui va modifier le cours habituel des choses. L’incident déclencheur initie l’intrigue et il présente le problème dramatique. En d’autres termes, il annonce le conflit à venir.

La fin de l’acte Un

Après certaines hésitations, le héros prend la décision de s’engager plus avant dans son aventure. A partir de ce moment, les complications ne cesseront et le héros devra résoudre ou non les obstacles successifs.

Le point médian

C’est approximativement le milieu de l’histoire. Le point médian fait couler beaucoup d’encre. Nombreuses sont les divergences quant à son aspect pratique.
Pour notre démonstration, accordons-lui qu’il correspond à une crise majeure chez le protagoniste. Tout semble perdu pour lui parce que le problème qui accapare les pensées de notre héros n’a jamais été aussi prêt de le battre.

La fin de l’acte Deux

Là aussi les avis divergent quant à son contenu. Ce qu’il est important de voir en fin de compte, c’est que la structure est avant tout une question de contenu et non de contenant. Ainsi la créativité est conservée.

On peut considérer pour notre étude sur la possibilité d’une combinaison entre deux genres que la fin de l’acte Deux préparera le climax qui se situera alors dans l’acte Trois. En somme, la fin de cet acte décrit la réponse du protagoniste à un événement clé qui précipitera son entrée dans le climax. En quelque sorte, sa décision ou le résultat de ses choix seront un tournant pour le reste de l’histoire. Comme le général Robert Edward Lee perdant la bataille de Gettysburg sera un tournant majeur dans la défaite des Confédérés.

Ce tournant majeur mène ensuite au climax. Si nous reprenons l’exemple de la Guerre de Sécession, la perte de Gettysburg ne signe pas la fin du conflit.

Le climax

L’incarnation du problème (à savoir l’antagonisme) confronte directement le protagoniste. Tout se resserre sur le héros.

Le dénouement

Le dénouement de l’histoire montre comment le héros gère dorénavant sa vie. Toutes les questions dramatiques sont résolues.

Définition du terme genre

Notre réflexion doit porter aussi sur le genre, sur ce que signifie ce terme. Sommairement, il porte les attentes du lecteur concernant un jeu de thèmes, de personnages et de conséquences spécifiques à un genre.

Un genre s’adresse à un lectorat spécifique. Lorsqu’un lecteur a aimé une histoire qui appartenait à un genre, il est normal qu’il cherche d’autres histoires du même genre. Un afficionado du fantastique ou de l’horreur prendra toujours un véritable plaisir devant d’autres histoires fantastiques ou horrifiques.
Il recherche une expérience similaire. L’auteur, quant à lui, pourrait trouver que de créer de telles expériences serait une réelle pression néfaste à sa créativité.

Néanmoins, Robert McKee précise que l’auteur doit non seulement combler les attentes de son lecteur (sinon, il risque la confusion ou la frustration de celui-ci) mais il doit aussi proposer quelque chose d’original (comme de revisiter le mythe du zombie en lui donnant des qualités humaines que l’être humain a oubliées sous la pression du monde moderne, par exemple), et de réserver dans le cours de l’histoire des moments inattendus pour contrer l’ennui et surprendre le lecteur.
La connaissance d’un genre que l’auteur peut posséder doit l’aider à dépasser les attentes du lecteur.

Ce qui ne rend pas la tâche facile lorsqu’il s’agit d’intégrer dans une même œuvre les conventions de deux genres différents afin de combler les attentes de deux lectorats différents.
Le défi pour un auteur est de mettre en place non seulement ce que le lecteur attend de l’histoire (ce qui signifie aussi que le lecteur connaît les conventions du genre) mais aussi de garder une certaine fraicheur afin de lui apporter quelque chose de nouveau.

Pourtant, écrire pour un genre spécifique apporte une certaine sécurité à l’auteur puisque son lecteur s’attend à certains archétypes (et ce ne sont pas des stéréotypes), certains thèmes et événements. Cela lui évite d’errer dans des limbes au risque de se perdre et d’y perdre son lecteur.
L’auteur doit connaître les conventions d’un genre (ses règles en quelque sorte). Mais il peut aussi tomber dans le cliché.

Dans le prochain article, nous nous pencherons sur les caractéristiques singulières du thriller.