Comédie & thriller combinés (3)

Par William Potillion @scenarmag

Afin de voir s’il est possible et efficace pour le lecteur de combiner la comédie et le thriller qui apparaissent de prime abord assez incompatibles, il s’avère que de poser les fondamentaux pour l’écriture d’un scénario est la démarche appropriée d’un tel projet.

Il est préférable ensuite de commencer l’étude du genre qui pourrait être le plus difficile à intégrer. Le thriller m’apparaît alors le plus délicat car il faut préserver le suspense que le rire de la comédie pourrait altérer.
Cet article concerne essentiellement le thriller.
Afin que le lecteur fasse l’expérience du suspense, les lois naturelles concernant la vie et la mort doivent s’appliquer dans le monde fictif. C’est donc un environnement réaliste que l’auteur va mettre en place. Et ce réalisme doit aider à convaincre le lecteur que le danger pour le protagoniste est crédible.

Les types de thriller

Une démarche possible est d’examiner le thriller sous l’angle de son protagoniste. La raison en est simple : lorsque le protagoniste est aussi le personnage principal (ce qui en fait le héros de l’histoire), le lecteur s’identifie avec le personnage principal.

La passion meurtrière

Le thriller est classiquement organisé autour du triangle amoureux. Le cœur de l’histoire est généralement le meurtre de l’un des membres du triangle par l’un ou les deux autres membres.
Il apparaît souvent que le protagoniste est le meurtrier et bien que l’on puisse comprendre ses motivations et justifier cet acte immoral, il est plus difficile pour le lecteur de placer son empathie envers un tel personnage.

Il est peut-être utile alors de distinguer le personnage principal et le protagoniste. Par sa nature, le protagoniste fait avancer l’intrigue et le personnage principal est celui sur lequel l’empathie du lecteur se dirige le plus naturellement.
Assurance sur la mort est un exemple.

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Le thriller politique

L’intrigue s’articule soit sur la tentative d’assassinat d’une figure politique soit sur la révélation d’une conspiration des autorités (ou une quelconque entité telle qu’une multinationale) sur des agissements immoraux envers une minorité.

Lorsque le protagoniste est introduit dans une telle histoire, il est déjà en train de poursuivre son investigation soit sur une possible tentative d’assassinat soit sur les indices d’une conspiration. Il n’est donc pas totalement dépourvu de moyens ni totalement innocent.
Il est lui-même dépositaire d’une certaine autorité ce qui lui permet d’agir au-delà du simple quidam. Ou bien il possède déjà des informations (que le lecteur découvrira assez tôt) ou alors il est impliqué d’une manière ou d’une autre.

Le souci est que le protagoniste est plus ou moins moralement compromis puisqu’on ne peut s’impliquer dans une chose sans échapper aux conséquences de ce choix.
L’empathie du lecteur est alors plus difficile à trouver pour un tel personnage. Concernant cette couleur thématique, il est probablement préférable de distinguer là aussi le protagoniste du personnage principal.
Les hommes du président, par exemple.

La question de l’identité

Le protagoniste endosse une identité dont il n’est pas accoutumé. La mort aux trousses en est un exemple. Le protagoniste est alors jeté dans une situation dangereuse comme par exemple un coup monté.
Il doit alors assumer les conséquences physiques et psychologiques de cette nouvelle identité et l’auteur doit mettre aussi en place la relation de cette identité avec l’intrigue habituellement centrée autour d’un meurtre (ou bien d’une conspiration quelconque).

La nouvelle identité peut être aussi choisie par le protagoniste qui entre alors en conflit avec tout ce qui est associé à cette identité.

Le thriller psychologique

La base d’une tel thriller est un trauma dont l’origine est située dans le passé du protagoniste. Évidemment, cela influence grandement son implication à la fois dans une histoire d’amour et un crime ou un complot.

Dans ce type d’histoire, le héros est toujours une victime. Et le méchant de l’histoire (on ne sait par quelle préscience) parvient toujours à tirer avantage de cette culpabilité presque masochiste du protagoniste. Mais cette victimisation n’empêche nullement l’auteur de faire de son protagoniste un criminel.

L’acte Un doit faire la démonstration de l’extrême culpabilité du héros (l’exagération est souvent utile en fiction pour bien asseoir le personnage dans l’esprit du lecteur) ou bien de son dysfonctionnement psychologique. Il faut comprendre que le lecteur n’a pas vraiment le choix de ne pas sympathiser avec un tel  personnage.
Seulement, la sympathie n’est pas l’empathie et l’identification du lecteur avec le protagoniste d’un thriller (condition du suspense) pourrait être affaiblie.

Marnie de Alfred Hitchcock est un très bon exemple de thriller psychologique.

La confrontation morale

Deux points de vue contradictoires s’affrontent sur le plan moral. L’un représente le bien ou l’innocence et l’autre, le mal. Le protagoniste est dans une relation existante avec l’antagoniste ou les forces antagonistes.
L’inconnu du Nord Express emprunte beaucoup à ce motif. Le mystère Silkwood de Mile Nichols  met en avant Karen Silkwood en butte aux intimidations de sa hiérarchie qui tente de l’empêcher de mettre à jour certains agissements néfastes à la santé du personnel de l’usine de traitement nucléaire dans laquelle elle travaille.

Le pitch que nous avons proposé dans la première partie de cette série d’articles s’inspire aussi de ce motif.

L’innocent en fuite

L’incident déclencheur de ce type d’intrigue est une victime innocente qui pénètre par hasard en plein milieu d’une affaire qui le dépasse complètement. Comme il s’agit du protagoniste, l’histoire prend souvent la forme d’un road-movie avec le héros fuyant non seulement les sbires du méchant de l’histoire mais aussi la police.

Le héros va donc connaître une série d’événements parmi lesquels il rencontrera l’amour. Ces obstacles sont souvent qualifiants dans le sens où le héros doit apprendre des choses sur lui-même et en particulier apprendre à faire confiance à cet amour naissant qui finalement se révélera d’un grand secours pour lui permettre de voir le monde autrement (souvent sur le plan moral) et de changer.
Changer est le but ultime de tout héros.

Gardez en tête que la fuite du héros n’est pas gratuite. Il n’est pas destiné à fuir toute sa vie. Dans le cours de cette aventure, il va se livrer à une véritable investigation. Par la force des choses, il devient un enquêteur cherchant à résoudre un mystère.

Les 39 marches de Alfred Hitchcock utilise ce motif. Le pitch que nous avons proposé lors de la première partie de cet article pourrait aussi se caler sur ce motif.

Nous aborderons dans le prochain article une démarche similaire concernant la comédie.