Cannes a eu le cœur qui bat pour le nouveau film de Robin Campillo. Largement plébiscité lors du dernier Festival de Cannes, auréolé du Grand Prix (et d'une standing-ovation), 120 Battements Par Minuteest un magnifique choc sur la lutte militante d' Act-Up lors des dites "années Sida ". Une fresque électrisante où se côtoie une fatalité mortuaire et une force de vie combative vibrante.
Dans un premier temps, 120 Battements Par Minute s'inscrit dans le registre de fresque historique. Situé à la fin des années 80-début 90, on suit le parcours de ces soldats laissés pour compte par une société peu préventive, en lutte pour une reconnaissance et d'une aide fondamentale. On y évoque Mitterand, l'affaire du sang contaminé, Bronski Beat, la Game Boy etc... La reconstitution de l'époque est saisissante et sidère en même temps en confrontant le spectateur d'aujourd'hui face à une réalité passée révoltante. D'où la force haletante des actes militants montrés dans le film où s'entremêlent dans un chaos organisé faux-sang jeté en long et en large, discours criards et surtout une rage combative ahurissante.
Le film raconte aussi les parcours de personnages jamais laissés pour compte par la caméra de Campillo. Là où il aurait pu tomber dans le piège de privilégier quelques protagonistes au détriment d'autres (dû à une histoire d'amour bouleversante), il ne laissera jamais tomber chaque individu tout le long Bien au contraire, chacun aura une force individuel avec un atout propre à lui qu'il apportera au sein d'un tout, le groupe Act-Up. Il y a Sean (incroyable révélation de Nahuel Perez Biscayart, qu'on verra ensuite dans le prochain Duponte), véritable tête brûlée ; Sophie (joué par Adèle Haenel), présidente du groupe menant les opérations ; Hélène et Marco, mère et fils fabriquant du matériel pour le groupe et de nombreux autres militants essentiels dans la vie active.
Un film-choc sur ces années pas si éloignées de notre époque mais aussi une grande oeuvre sur le pouvoir du dialogue. Campillo reconstitue sans faille les assemblées générales du groupe en multipliant les points-de-vus, généralement opposés, de chaque militant . Ce qui apporte une multiplicité perceptive digne d'un De Palma (on peut éventuellement penser à Snake Eyes par moment) lorsque, dans son introduction par exemple, certains militants résument chacun à leurs façons comment s'est déroulé une action au sein d'un meeting interrompue. L'une a peur d'être passée pour une conne faute à un autre qui a lancé trop tôt sa poche de faux-sang tandis que deux militants plus agressifs expliquent pourquoi ils s'en sont pris à main envers la cible visée. Le réalisateur se montre impartial en montrant ces divergences de points-de-vus, donnant une vitalité assez forte à ce groupe.
Notre cœur bat effectivement à 120 battements par minute devant une telle force, refusant à chaque instant de laisser la mort et la maladie l'emporter sur la vie. Difficile de ressortir indemne de cette immense fresque qui marque définitivement notre esprit et notre corps. Un Grand Prix obtenu à la Croisette pour un film dont on espère qu'il obtiendra la Palme du public.
Victor Van De Kadyse