Caesar – Veni, vidi, vici

Par Screenbusters

La planète des singes, véritable saga légendaire étendue sur tous les supports (un roman originel, 9 longs-métrages, 2 séries télévisées, etc.) fascine les adeptes de science-fiction depuis les années 60 et continue avec les reboots modernes de passionner les foules.

— Cet article contient des spoilers sur la saga originelle et les deux premiers reboots —

L’univers imaginé par Pierre Boule étonne par sa portraitisation poussée d’une Simianité qui a détrôné l’homme de son statut de race dominante et s’applique farouchement à ne pas reproduire les mêmes erreurs. Mais pervertis par une « intelligence » qui empoisonne l’esprit les singes prennent comme leurs aïeux goût à la violence et à la bêtise généralisée. Une spirale infernale qui fait le sel de la franchise depuis le premier long-métrage de 1968 et son célèbre final – glaçant et gravé à jamais dans l’imaginaire collectif.

Il est un personnage commun à cinq films (voir sept) de la saga qui aura su au fil de ses apparitions acquérir un statut particulier dans le cœur des fans – le chimpanzé Caesar, interprété successivement par Roddy McDowall (qui incarnait son père Cornelius dans les deux premiers films) et Andy Serkis (Le Seigneur des Anneaux, King Kong). Si le caractère et les méthodes du héros varient entre ses deux incarnations à l’écran ses motivations profondes restent les mêmes – libérer son peuple et vivre en paix à l’écart du monde des hommes. Poussé à bout par un adversaire belliciste et les intentions fratricides de certains de ses alliés, Caesar reste tout au long de son parcours un être équitable et vertueux conscient de l’ampleur de la tâche qui lui incombe. Élevé par un homme de bonne volonté (Armando – propriétaire d’un cirque ou Will Rodman – scientifique), il grandit dans un environnement protégé avant d’en être arraché et de découvrir ce que subissent ses semblables. Expérimentations, tortures ou conditionnement sont autant de sévices qui persuadent Caesar de guider les siens vers une terre promise.

Le leader simien des films originaux subit le traumatisme de la perte de son mentor et caresse un court instant l’idée vengeresse de réduire l’humanité en esclavage (ce qui correspond à la version du monde dans laquelle atterrit Taylor dans le premier film). Son discours face au gouverneur et MacDonald dans La conquête de la planète des singes va en ce sens et reste un moment profondément marquant – à la fois leader et prophète, Caesar annonce la fin de la dominance des hommes et le soulèvement des singes prêt à fonder leur propre société « où l’homme n’aura pas sa place si ce n’est pour servir ». La censure aura eu raison du pessimisme ambiant en modifiant la fin : le gouverneur n’est plus passé à tabac par les gorilles qui réagissent désormais au « Non ! » interdit prononcé par la compagne de Caesar, et ce dernier poursuit sur un discours plus pacifiste (voir ci-dessous : extrait de la version non censurée suivi du discours du montage cinéma). Reste une violence inhabituelle pour la franchise qui sert merveilleusement le récit. La société des singes imaginée par son leader devient finalement le miroir (im)parfait de l’humanité jusqu’à reproduire ses pires travers. Dans les deux univers (films originaux et reboot) Caesar est trahi par l’un des siens (Aldo et Koba) – le rêve tourne au cauchemar dans un difficile retour à la réalité. Aucune espèce ne prévaut dés lors que la capacité de réflexion attise la malignité, c’est « l’évolution » qui pervertie les cœurs naturels.

« But now… now we will put away out hatred. Now we will put down our weapons. We have passed through the Night of the Fires. And who were our masters are now our servants. And we, who are not human, can afford to be humane. Destiny is the will of God. And, if it is man’s destiny to be dominated, it is God’s will that he be dominated with compassion and understanding. So, cast out your vengeance. Tonight, we have seen the birth of the Planet of the Apes!”

La saga possède finalement trois voir quatre timelines :

– celle qui correspond à la planète sur laquelle s’écrase Taylor et ses compagnons, où le gorille Aldo fût le premier à dire « non » et engendra une société dans laquelle l’humain n’a sa place que comme esclave. Cette chronologie prend fin lorsque Taylor détruit la planète. On ne connait pas le rôle de Caesar.

– celle dans laquelle Zira (enceinte de Caesar) et Cornelius retourne dans le passé, créant par là-même une autre réalité dans laquelle leur fils mène la rébellion des singes. Aldo devient le général en chef des armées et tue le fils de Caesar dans une tentative ratée de coup d’état. Simiens et homo sapiens vivent ensuite en relative harmonie. La suite nous est inconnue, tout comme le sort de Taylor.

– celle de Tim Burton dans laquelle Marky Mark pécho d’la guenon. Ce film n’existe pas.

– et enfin celle du reboot, qui se concentre sur la vie de Caesar, son évolution jusqu’à son rôle de leader.

Caesar apparait donc comme la figure principale de la saga, père (ou acteur) de la révolte mais pacifiste convaincu, il faudra toute la mauvaiseté des hommes pour le métamorphoser en chef de guerre puis en figure messianique déchiré par le chagrin. Un personnage aux nobles intentions qui fait sans conteste parti des plus beaux héros de la science-fiction et dont le parcours émouvra tout un chacun, soutenu par l’interprétation sans faille de Roddy MacDowall et Andy Serkis et la prouesse des équipes techniques pour un rendu visuel toujours plus avant-gardiste. Une combinaison véritablement parfaite au service d’une œuvre majeure du cinéma classique et contemporain.