Comédie & thriller combinés (12)

Par William Potillion @scenarmag

Le code moral qui anime un personnage est important dans toutes les fictions. Il explique bien souvent son comportement, ses attitudes, ses postures dans telle ou telle situation.
L’éthique apporte un éclairage sur la définition du personnage tel que le perçoit le lecteur.

Est-ce que le personnage principal doit s’opposer diamétralement sur le plan moral à l’antagoniste ? Ce n’est peut-être pas vrai dans toutes les fictions mais concernant le thriller, cette opposition devrait être particulièrement marquée.
Abordons dans cet article notre personnage principal sur le plan moral.
Nous avons décidé dans le pitch que son activité professionnelle consistait à s’occuper de l’entretien dans un grand groupe industriel.  En développant quelque peu notre intrigue, nous avons noté qu’il pourrait s’agir d’un puissant groupe agroalimentaire aux ramifications mondiales.

Nous avons vu aussi qu’il se souciait de l’environnement car l’un de ses amis (une sorte d’écoterroriste) avait réussi à l’entraîner dans un acte de sabotage d’un laboratoire spécialisé dans les OGM.

Un citoyen moral

Alors que l’antagoniste justifie ses actes en promouvant le progrès par l’expérimentation, ce qui est une bonne chose en soi mais qui peut rapidement dériver si les phénomènes créés en laboratoire échappent à la surveillance des scientifiques et répandent leurs effets néfastes à travers le monde (comme un virus), notre héros sera très méfiant envers les blouses blanches qu’il considère un peu comme des savants fous.

Mon intention est que le lecteur situe immédiatement le protagoniste en regard de la force antagoniste. Mon héros devra donc être jugé moralement comme une bonne personne. Mais des interrogations surgissent.
D’abord, pourquoi l’avoir placé dans l’antre du méchant puisqu’il est chargé de l’entretien (des machines par exemple) au cœur même de l’usine (c’est-à-dire de la menace) ?

L’un des thèmes importants que véhicule mon histoire est qu’il ne faut pas laisser les grands groupes industriels décider pour l’ensemble des citoyens ce qui est bon pour eux. Surtout que leurs activités ne sont pas vraiment philanthropiques mais guidées par le profit.
Notre héros qui approuve le mouvement écologiste mais qui est contre toute action violente a donc voulu infiltrer l’un de ces grands groupes et sans raison apparente. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de lier cette posture avec un événement du passé de notre personnage. Je table davantage sur une question de morale.

Par contre, on peut peut-être se servir de son passé pour expliquer comment cette morale s’est façonnée. Il a pu par exemple souffrir ou l’un de ses proches des effets néfastes d’une expérimentation non autorisée.
Et qu’il en a conçu un esprit de vengeance. La vengeance peut être le motif d’une intrigue. Reste à évaluer si une telle intrigue s’accordera avec mon projet de combiner la comédie au thriller.

Un conflit fortement personnalisé

Le thriller, néanmoins, s’accommode fort bien d’un conflit personnel. Lorsque notre personnage principal découvre par hasard des secrets qui lui permettraient peut-être d’assouvir sa vengeance, son conflit avec l’antagoniste devient personnel.
Mais notre héros est bien mal équipé pour se lancer dans un combat aussi personnel contre un ennemi aussi puissant.

Bien qu’il ait une idée embryonnaire de vengeance, cela ne doit pas le distinguer du commun des mortels. A priori, c’est un être ordinaire plongé dans une situation qui le dépasse. Ce que je tente de mettre en place, ce sont les conditions qui permettront au lecteur de s’identifier avec le héros.
A un moment de l’histoire, le lecteur doit souhaiter la confrontation ultime avec l’antagoniste. Et l’histoire, évidemment, mènera à cette confrontation. Les conséquences de l’engagement du héros seront souvent désagréables pour lui et le lecteur peut alors ressentir une certaine culpabilité. Cela peut ajouter au suspense.

Mais pour que cette identification fonctionne dans un thriller, il faut que la morale du protagoniste (qui explique ses actions) soit fortement contrastée avec celle de l’antagoniste (même si cette dernière permet aussi de justifier les actes du méchant).

Engager la romance

Notre héros est seul dans sa vie (d’ailleurs, on peut être seul même bien entouré). J’ai prévu qu’il se découvrira une petite amie dans cette histoire. Celle-ci est d’abord une alliée du méchant. Elle peut éprouver envers notre héros un peu de dédain de prime abord.

Cela peut ajouter à l’empathie du lecteur envers notre personnage principal. Ce que je cherche cependant à faire est que le lecteur développe rapidement l’envie que quelque chose de romantique se passe entre ces deux-là.
Et lorsque l’intrigue répondra à ce souhait du lecteur, les événements concerneront non plus seulement le héros mais aussi sa petite amie en devenir.

Ce qui peut aussi contribuer au suspense. Puisque le souhait du lecteur se concrétisera par des problèmes pour ces deux personnages. Et le lecteur devrait en concevoir une culpabilité d’avoir mené ces deux-là (bien qu’involontairement) dans de telles situations.

Et alors que notre héros ne sait pas vraiment formuler les raisons de sa présence dans la tanière du loup, la présence de la petite amie à ses côtés lui donne maintenant un enjeu important. S’il n’y a pas d’enjeux pour le héros, la tension dramatique sera fragilisée. Or elle est indispensable à la mise en place du suspense.

Dans un bon thriller, l’auteur doit parvenir à convaincre le lecteur que la vie du héros ou d’un personnage auquel il tient est véritablement menacée.
L’éthique du héros est quelque chose qui doit être mûrement réfléchie parce qu’elle sera un guide pour l’auteur lorsqu’il lui faudra inventer les comportements, attitudes et postures de ce personnage principal.

Nous reviendrons dans le prochain article sur l’environnement qui permet l’ajout de comédie dans un thriller. Et nous essaierons de voir si cela peut fonctionner avec notre projet de lier ces deux genres.