Nous avons débuté dans l’article précédent le chapitre 14 de la théorie narrative Dramatica. Depuis le chapitre 12, nous nous concentrons sur la structure thématique de l’histoire.
La théorie narrative Dramatica utilise de nombreux concepts que nous avons étudiés depuis le début de cette série d’articles.
La pensée de Melanie Anne Phillips et de Chris Huntley, les créateurs de Dramatica, est parfois obscure. N’hésitez pas à relire nos articles et à poser d’éventuelles questions sur des points qui vous paraissent confus.
Sommaire de tous les articles :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE
L’article précédent a mis en avant les préoccupations en regard des lignes dramatiques. Il existe quatre classes :
. La classe Universe
. La classe Mind
. La classe Physics
. La classe Psychology
Chacune de ces classes se décompose en quatre types et chacun de ces types en quatre variations.
Variations sur un thème
En atteignant le niveau des variations de type, nous trouvons des appréciations qui vont parfaire notre compréhension (en tant que lecteurs) du problème soulevé par l’histoire comme il est perçu depuis chaque ligne dramatique.
Chacune de ces appréciations en rapport avec les variations de type dont dénommées Portée par Dramatica parce qu’elles décrivent la portée d’un thème qui est exploré de façon pertinente (c’est-à-dire sans divagation hors propos) en regard de la préoccupation dans un domaine particulier.
En un sens, cette portée peut être considérée comme un sujet thématique pour chaque ligne dramatique.
La portée de l’Objective Story
Cette appréciation décrit la catégorie de jugement de valeurs qui semble appartenir à tous les personnages et événements dans une histoire. Par exemple, en conservant le type Obtaining, nous avons parmi les variations de ce type Morality et Self-interest (DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (44)).
Remémorez-vous que Dramatica fonctionne essentiellement par quaternités. Melanie Anne Phillips et Chris Huntley ont expliqué par ailleurs la raison de ce concept, mais cela dépasse le cadre de nos articles.
Donc, une portée de Morality aura un contrepoint dynamique dans l’élément Self-Interest. Cela signifie que le conflit thématique dans la ligne dramatique de l’Objective Story sera…
Morality contre Self-Interest.
Et parce que Morality est la portée (choisie par l’auteur), cet élément sera mis en avant et apparaîtra comme le contenu du thème de la ligne dramatique de l’Objective Story.
Et parce que Morality est la portée de l’Objective Story, cet élément apparaîtra presque partout dans l’histoire. Par exemple, cette portée pourrait être illustrée par un homme volant sa confiserie à un enfant ou bien les gros titres des journaux proclamant qu’un grand groupe fait des profits extraordinaires alors que derrière les titres se cache une vérité bien plus terrible si nous apprenions que ce même grand groupe déverse ses déchets toxiques dans la nature.
Les illustrations de la portée de l’Objective Story peuvent se focaliser sur les personnages ou bien agir globalement sur l’histoire comme une sorte d’arrière-plan.
La portée du personnage principal
La portée du personnage principal (et son contrepoint) représente le conflit thématique d’intérêt personnel au personnage principal. Ce conflit sera sensible dans les choses que ce personnage remarque et que les autres ignorent.
Notez que le terme utilisé par Dramatica est Range que nous traduisons par portée. Je pense qu’il s’agit surtout d’un jugement de valeur (sur les choses donc). Et à travers ce jugement, l’effet que les choses peuvent avoir sur nous (d’où le concept de portée).
En effet, l’effet que les choses ont sur nous ne sera pas ressenti indifféremment par chacun d’entre nous. Nous ne ressentons pas tous la même peine devant un événement tragique et certains peuvent même n’éprouver aucune peine.
Et parce qu’un jugement de valeur est personnel, l’auteur peut utiliser cette appréciation pour murmurer son point de vue plutôt que de l’exposer ouvertement (comme peut le faire la portée de l’Objective Story).
Etant si personnel au personnage principal, cela permet de lui ajouter une humanité. Et c’est à travers l’exploration des problèmes que permet de dévoiler cette portée que le lecteur peut s’identifier avec le personnage principal non seulement avec sa façon de penser les choses mais aussi avec son cœur (sa façon de les ressentir).
Comprenez bien que la portée telle que Dramatica la définit est un concept. Ce concept demande à l’auteur de réfléchir à ses personnages et à ses situations selon un angle qui pourrait lui échapper autrement.
Cette réflexion amène du contenu au concept.
La portée de l’Influence Character
La portée de l’Influence Character fournit un moyen d’évaluer l’opportunité de l’impact de l’Influence Character (sur les autres et les événements). Cette portée (ainsi que son contrepoint identifié dans la quaternité considérée) agit comme une sorte de mesure des conséquences ou résultats que cause le point de vue de l’Influence Character.
C’est en examinant cette portée de l’Influence Character qu’un auteur peut véritablement faire basculer le lecteur en faveur d’un point de vue (du personnage principal ou de l’Influence Character). C’est cependant un mouvement de va-et-vient au cours de l’histoire.
La position du lecteur n’est pas fixe. Et cela permet à l’auteur de rendre son parti-pris (en somme, le message qu’il tente de faire passer) plus réaliste et moins arbitraire (un auteur ne fait pas de propagande).
La portée de la Subjective Story
Nous avons vu que la préoccupation de la Subjective Story décrit la sphère d’une préoccupation, elle-même partagée entre le personnage principal et l’Influence Character. La portée de la Subjective Story et de son contrepoint décrivent pourquoi les choses tournent au vinaigre entre l’Influence Character et le personnage principal de l’histoire.
Par exemple, le personnage principal et l’Influence Character sont tous deux à la recherche d’un testament. Cette recherche est leur préoccupation et la façon dont chacun la mène est conflictuelle comme s’ils n’étaient pas d’accord sur la meilleure méthode pour retrouver le testament perdu ou bien sur ce qu’ils feront du testament s’ils le retrouvent. Ils ont chacun un point de vue opposé ou contradictoire sur la question et à chaque fois qu’ils se rencontrent, ils débattent encore et toujours.
Maintenant, la portée va consister pour l’auteur à expliquer les raisons de leurs points de vue différents et ainsi de leur différend à propos de leur préoccupation commune (la recherche du testament perdu).
Donc, le personnage principal croira que la portée de la Subjective Story est la valeur standard à utiliser en regard de la préoccupation de la Subjective Story. En conséquence, le personnage principal perçoit la préoccupation sous un certain angle ou une certaine lumière.
Par contraste, l’Influence Character croira que l’autre valeur (par exemple, la portée serait Morality et l’autre valeur (le contrepoint) serait alors Self-Interest) est la bonne manière pour évaluer la préoccupation.
Et comme ce standard de mesure de la préoccupation aboutit à différentes conclusions concernant cette préoccupation, alors le personnage principal et l’Influence Character entrent en conflit.
L’un comme l’autre utilisent ces deux points de vue pour argumenter sur deux questions :
- Qu’est-ce qui doit être fait à propos de cette préoccupation ?
- Et quelle est la meilleure manière d’examiner cette préoccupation ?
Les éléments
Finalement, nous sommes arrivés au niveau de compréhension le plus basique et précis en regard du problème de l’histoire : le niveau des éléments de caractérisation.
Nous vous renvoyons à ces articles pour une approche des éléments de caractérisation :
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (9)
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (10)
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (16)
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (17)
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (18)
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (19)
C’est à ce niveau que la source des difficultés dont on fait l’expérience (le lecteur et les personnages) dans chaque ligne dramatique peut être trouvée.
Nous avons le problème de l’Objective Story qui va affecter tous les personnages et tout ce qu’ils font. En contraste, le problème du personnage principal sera la source de ce qui le motive dans cette histoire. Classiquement, il va s’avérer que ce problème du personnage principal est identique à celui de l’Objective Story (ou du moins qu’il reflète celui de l’Objective Story).
Ou bien encore que le personnage principal a la capacité de résoudre le problème de l’Objective Story s’il veut bien seulement s’en donner la peine (c’est ce que d’autres nomment les révélations que le personnage principal doit découvrir sur lui-même).
Le problème de l’Influence Character est ce qui le motive aussi. Mais le lecteur observe cette motivation de l’extérieur alors qu’il s’identifie avec celle du personnage principal.
Il faut bien comprendre que l’auteur cherche une résonnance suffisamment universelle lorsqu’il décrit son personnage principal afin de faciliter l’empathie ou la reconnaissance plus ou moins exacte par le lecteur de ce qui motive le personnage principal.
Pour l’Influence Character, c’est en quelque sorte un constat.
Quant au problème de la Subjective Story, il est différent de ceux des autres lignes dramatiques parce qu’il concerne une relation. C’est la relation entre le personnage principal et l’Influence Character.
Qu’est-ce qui est au cœur de leur désaccord ?
Quelle est la question la plus essentielle qui ne cesse de nourrir le conflit entre eux deux ?
Le problème de la Subjective Story décrit la vue la plus précise et essentielle de ce qui sépare le personnage principal de l’Influence Character.
Nous avons maintenant défini les principales perspectives thématiques dans une histoire. Nous avons déterminé que tout problème peut être compris en termes de classes, de types, de variations et d’éléments (de caractérisation).
Nous avons expliqué que le problème central de l’histoire ne pouvait être abordé directement. Mais il peut être approximativement approché tel qu’il apparaît selon quatre points de vue différents.
Chaque vue apporte sa propre compréhension de la nature du problème selon sa classe, son type, sa variation et son élément. C’est ce que Dramatica nomme une appréciation.
Et lorsque toutes les appréciations sont considérées ensemble dans l’esprit du lecteur, ce que l’auteur a à dire sur les problèmes au cœur de l’histoire est alors établi.